On dirait le suuuud....

...et toujours en étééééé !!

L'avantage avec les adaptations de Tenessee Williams au cinéma (je suis dans une série) c'est qu'on sait dans quelle ambiance se situera l'histoire. Le sud des Etats-Unis.
Et pour être instinctivement plongé dans le lieu, ce sera le sud l'été. Parce que le sud l'hiver, quand on a froid comme partout ailleurs, c'est moins typique.

Donc, OK, nous voilà plongés dans un été poisseux, un qui colle au marcels moulants, un qui donne soif (ah, ça, ça aide aussi à l'exacerbation des sentiments), un qui rend teigneux.
J'indiquais pour "propriété interdite" que ce film se montrait moins verbeux que les autres adaptations vues auparavant (Le tramway, Soudain, l'été dernier...), plus sec et tendu. C'est aussi le cas de ces "doux oiseaux...", qui se montrent âpres et moins diserts.

Comment imaginer pouvoir m'attendre à un Paul Newman beau et jeune comme un dieu, roulant un joint (il sait parfaitement comment faire, le bougre) pour une ex-star de cinéma imbibée de Vodka ? Ce n'est là qu'un des éléments étonnant pour film en technicolor sortant sur les écrans en 1962.
Les sentiments exprimés sont à vif, chaque personnages se situant à un point de sa vie où la (l'auto)dissimulation et les convenances n'ont plus leur place: il faut faire vite ou tout perdre, le vernis de la bienséance a explosé. Mal amené, ce genre d'artifice pourrait se révéler dévastateur. Mais l'écriture de Williams, en pleine maturité, permet à l'ensemble de fonctionner pleinement et propose un moment de tension permanente prodigieux.
Chaque protagoniste du drame est à un point de rupture.

Wayne Chance (Newman) sait qu'il joue là sa dernière carte avant l'oubli définitif.
Alexandra Del Lago (Geraldine Page, sublime !) est au fond du trou et pense vivre ses derniers moments.
Tom Finley (Ed Begley, oscar du meilleur second rôle pour l'occasion) joue une réélection (peut-être celle de trop ?) au cours de laquelle ses vieilles combines pourraient se faire jour (superbes scènes qui nous montrent que la rouerie politique et certaines de ses méthodes date de la nuit des temps).
Son fils qui n'en peut plus de ne pas être à la hauteur de l'estime de son père tyrannique.
Sa fille autour de qui tout tourne. Miss Lucy, lâchée comme une vieille chaussette. Tante Nonnie, laissée pour compte.

Alors on pourra regretter deux ou trois choses. A l'image de cette fin surprenante et semblant déconnectée du ton général du film.
A la décharge de l'écrivain et de sa pièce originale, il faut savoir que la censure du moment a obligé, comme de coutume, deux ou trois modifications de taille par rapport au matériau de départ.

(SPOILE)
Dans la pièce, Heavenly n'a pas été engrossée par Chance mais elle a gardé de leur relation une maladie vénérienne qui la rendra à tout jamais stérile. Ça change un peu les données du drame.
Chance n'est pas "gentiment" défiguré par Tom Finley Jr mais émasculé. Là encore, ce n'est pas la même limonade.
Et, donc, forcément, pas de happy end aussi subit que déplacé.
(FIN DU SPOILE)

Cependant, et malgré ces quelques réserves, doux oiseaux de jeunesse reste un vrai moment de cinéma tendu, surprenant, faisant une part plus que belle à ses acteurs.

Et puis bon, Shirley Knight sortant de la mer, où l'a jeté maladroitement son père, avec sa robe légère complètement mouillée, reste un grand moment.
guyness

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