Tout avait l'air magnifique dans ce film. Gros casting, situation d'ampleur (film catastrophe) qui se vendait comme une oeuvre quasi-politique, 2h30 au compteur. Mais réalisé par Adam McKay. Un mec capable de The Big Short comme de Very Bad cops (on peut enlever cops), et plus généralement de Vice qui passe par tous les lieux communs du biopic politique irrévérencieux mais qui va faire de la perf d'acteur pour rendre ses personnages attachants. Résultat : même direction, mais en pire.
Pour valider une comparaison qui a été faite partout : oui, ce film est assez proche de Idiocracy. C'est aussi un produit qui est proche de Black Mirror dans l'ADN de base : ce sont des oeuvres qui accumulent cynisme et exploitation de ce qu'ils dénoncent pour passer pour des oeuvres intelligentes. On prend un lieu commun (ici, le monde est peuplé d'abrutis) et on passe notre temps à resservir ad nauseam le constat en variant les comportements aberrants pour meubler les 2h30 du film, qui nous dira constamment la même chose à chaque minute pour arriver à la fin du film qu'on attendait (l'humanité est incapable de se sauver, et le mériterait-elle même ?), pour s'achever sur un gag attendu qui ne fera d'ailleurs pas rire grand monde. D'ailleurs, vous avez remarqué que ce film n'est pas très drôle ? Il essaye de jouer sur de l'humour à froid, mais à part esquisser un vague sourire occasionnel, nous subirons davantage la vulgarité des situations plus que nous ne nous en moquerons. Un peu le mirroir inversé d'Idiocracy qui lui tentait des gags bas du front et vulgaires des mauvaises comédies américaines type Adam Sandler, plus gênantes que drôles 2 fois sur 3...
Et tout s'effondre alors que la situation s'éternise et que plus le film avance, plus on constate qu'il n'a rien à dire sinon barboter dans les absurdités qu'il se délecte à étirer, à développer, à ressortir... On peut être d'accord avec le constat de débilité (décadente ?) du monde occidental (curieux que les chinois soient de grands absents dans une telle situation), mais ça ne justifie pas d'entendre ce lieu commun répété en boucle si longtemps. Même avec des acteurs talentueux et certains qui viennent cabotiner un peu. A ce stade, Meryl Streep est la seule qui surnage dans le lot, les autres se contentent d'interpréter leur personnage, oscillant entre l'indifférence et le mépris. Et c'est pendant qu'on attends la fin qu'on se rend compte que le problème de ce film, c'est bien sa forme. Ce gros truc qui se prend au sérieux malgré son approche légère, qui en fait des tonnes là où 5 minutes suffiraient à dépeindre une situation, qui dénonce la médiocrité en nous l'imposant constamment, ce concept qui a sincèrement cru être intelligent à la manière de The Big Short, mais qui a oublié quelque chose : sortir du lieu commun pour donner quelque chose d'inattendu.
Depuis Gangs of New York, chaque apparition de Léonardo di Caprio s'est faite marquante dans un film. Même dans un projet boudé comme The Aviator, même dans le médiocre Gatsby, l'acteur incarnait une émotion, avait un moment de grâce, incarnait véritablement son personnage. Et ici, on tient surement un de ses rôles les plus quelconques à l'échelle de sa filmographie tant ce scientifique incarnant le monsieur tout le monde qui tente d'aider peine à susciter quelque chose. Leonardo essaye, il insuffle de la dignité au milieu de tout ce bazar, mais son rôle sérieux annihile toute tentative humoristique, là où un Loup de Wall Street lui permettait de varier les registres et de faire éclater son potentiel.
Il ne me reste qu'à conclure. Parfait miroir d'idiocracy, il remplace la vulgarité grasse et peu inspirée par de l'humour à froid redondant, qui aboutissent tout deux au même résultat : une mauvaise comédie au potentiel gâché. Et dans ce cas ci, une durée indécente qui nous montre combien ce film se prend au sérieux alors qu'il n'a pas une minute l'étoffe d'une comédie culte. Une heure de moins aurait rendu la chose plus digeste sans rien perdre du message. Mais bon, s'entendre dire que le monde est con, forcément on est d'accord, mais ça ne fait pas un bon discours très longtemps... C'est là la différence entre la bonne comédie à la God bless America qui joue la carte du défouloir cathartique et le quintal de beurre Don't look up qui nous impose la médiocrité en nous étouffant dessous.