LOOK UP !
LOOK DOWN !
LOOK OUT !
Here comes the biggest 2021 movie of all !
pourrait clamer un slogan de James Bond, en ajoutant: cause there's just no time to die.
Don't look up pouvait faire redouter un Downsizing, un film déguisé en comédie qui sombre dans l'écologisme sinistre.
Don't look up peut faire penser à Idiocracy en mieux, à Y a-t-il un pilote dans l'avion en moins bien.
Mais Don't look up est avant tout le film qu'il fallait à l'ère de l'auto-proclamée 3e Révolution Industrielle et ses dérives intellectualisantes, sa novlangue décomplexée et ses mécanismes abrutissants et bêtifiants: c'est un peu le Micromégas du XXIe siècle ... sans Micromégas et, certes, sans la finesse de Voltaire.
Deux astronomes découvrent qu'une comète de plusieurs kilomètres de long et de large se dirige vers la Terre, entraînant dans son terrible sillage l'assurance de l'extinction de la vie sur Terre. Encore sous le choc, les voilà prêts à annoncer la dure nouvelle au monde entier mais le monde entier n'y est absolument pas préparé, ankylosé qu'il est dans son politiquement correct, ses intox médiatiques, ses stratégies politico-markéting, son vedettariat digne de la pire télé-réalité et surtout ses réseaux sociaux qui organise le monde en équipes pro/anti. À l'image du titre "Don't look up", slogan des antagonistes auquel s'oppose celui des héros "Look up".
Transposez cette histoire dans notre contexte sanitaire, observez cette comète meurtrière comme une métaphore de la Covid et vous aurez un parfait tableau de notre temps.
Don't look up offre donc une caricature salutaire, assainissant la pensée *twittée, googelisée, gfaïsée, lobyisé*e, c'est à dire malade de notre époque, mise en scène comme impuissante face à une destruction certaine. Une satire hantée par deux héros qui tendent leur regard vers le ciel et l'Univers et habitée par une multitude le regard abaissé vers tous les écrans de fumée possibles. L'occasion de rappeler la différence qui réside entre "intellect" et "intelligence", tous deux héritiers du verbe latin "intellegere", qui signifie "tendre vers". L'"intelligence" est née du participe présent de ce verbe, l'action envisagée en perpétuelle génération, est considérée comme un force vive par des auteurs tels que René Goscinny. L'"intellect" est dû au supin de ce verbe, une sorte de forme mi-verbale mi-nominale qui exprime l'action en général, en gros, schématiquement. L'intelligence consiste à rester curieux, à éprouver et remettre en cause notre quotidien mais aussi à tendre non à se métamorphoser en ce vers quoi on se tend. Ainsi, nos deux héros vont observer le ciel mais aussi leur société, essayer de les mesurer, de les comprendre. Leur mal viendra d'arrêter de le faire ou de se changer en ce qui les surprend initialement. L'intellect consiste en une tension arrêtée, en suspens, qui refuse de reprendre du mouvement ou ne serait-ce que revenir sur ses pas pour repartir d'un bon pied, parce que la suspension plaît ou rassure. C'est là le mal des gouvernants et des internautes de Don't look up qui, déni cosmique oblige, tentent de pseudo-rationnaliser, de pseudo-nuancer, râlent, grondent et grognent, pour ne pas accepter la terrible réalité. Qui cherche à repenser l'essentiel pour en faire quelque chose de plus complexe, à dépoussiérer l'image de la menace pour en faire une opportunité jusqu'à ce que l'impact se fasse ressentir.
Don't look up est donc une fable satirique sur l'opposition intelligence/intellect, sur l'ambition/humilité et un rappel de la microscopie humaine à l'échelle du méga-univers.
Servi par un casting astronomique, porté par un Leonardo Di Caprio (Blood Diamonds) qui se livre à ses plus folles crises de nerfs à faire pâlir Nicolas Cage, par le flegme désarçonnant de Meryl Streep (Le Diable s'habille en Prada), par la prestation décalée quoique trop courte de Ron Perlman (Hellboy), par la fraîcheur de Jennifer Lawrence (Mother !), par la présence luxueuse d'une Cate Blanchett méconnaissable (Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal), d'un Tomer Sisley en anti-Largo Winch, d'un Jonah Hill (Le Loup de Wall-Street) en comic relief plutôt juste et bien accordé aux différents tons du film , d'un Michael Chiklis charismatique quoique sous-exploité (The Shield) mais surtout par un Mark Rylance (Le Pont des espions) aussi agaçant que drôlissime et effrayant dans son jeu de démence froide azimutée inspirée d'un Steve Jobs sous acide, Don't look up est sans doute LE film de l'année 2021 ! Aussi comique que dramatique sans jamais que le mélange ne gêne, aussi classique par instant que totalement révolutionnaire dans sa forme, du long de ses 2h25 minutes, Don't look up est un superbe cadeau cinéphile et culturel de fin d'année !
C'est donc par ses mots non de James Bond mais de Jules Verne qu'il convient de conclure cette critique, afin de vous exhorter à aller visionner ce film:
Regarde ! De tous tes yeux, regarde !
... il n'est pas impossible qu'une larme sauve votre cornée devant cette charge aussi douce que cynique.