Force est de constater que, s'il utilise tous les codes des films d'horreur classiques (lenteur des plans, jumpscares comme unique ressort de terreur), Don't Breathe, par sa radicalité, est une agréable surprise.
Radicalité d'expédition : l'exposition est envoyée en 10 minutes ; on comprend tous des personnages, de leurs enjeux personnels, sans en connaître trop. Le scénario conservera d'ailleurs toujours cette part de mystère, gardant volontairement le silence sur les motivations qui leur sont propres, tout en les laissant comprendre aisément.
Radicalité d'action : quelques heures d'une nuit, une maison, tout cela est réglé en moins d'une heure et demie. La géographie simple du film permet une focalisation intéressante sur toutes les pièces de la maison, leur réservant à chacune leur scène.
Radicalité de la violence : - une violence sociale tout d'abord, dans laquelle s'installe le propos horrifique du film ; conséquences sociales de la crise économique de 2008 (Détroit, devenue ville fantôme, est le terrain de jeu qui sert de décor à l'intrigue), misère sociale (la famille du personnage de Rocky dont elle veut extraire à tout prix sa petite sœur), la justice américaine fondée sur le rachat des fautes par l'argent, les traumatismes de la guerre sur ses vétérans, violence d'un patriarcat toxique, etc. Les personnages sont tous moralement condamnables, et méritent tous une punition, mais on a également envie de tous les comprendre, ce qui rajoute au malaise du spectateur, ne sachant à qui offrir son empathie.
Le film, dont ce n'est évidemment pas l'objet, en premier lieu horrifique, distille avec malice ce constat, politique, et se pare ainsi d'un ton sarcastique bienvenu.
- une violence physique ensuite ; Don't Breathe, comme son sous-titre français ridicule le laisse suggérer, n'est en rien paranormal ou fantastique. Il est un pur "home invasion", où la violence physique et la peur de celle-ci est le seul moteur. Souffrance, violence sexuelle, sentiment de claustrophobie et d'asphyxie (tout est dans le titre), le corps des personnages prend cher, et par-là même celui du spectateur.
Radicalité d'écriture : le film peut se voir comme un jeu, se fondant sur le principe dramaturgique du "Fusil de Tchekhov", cette technique qui consiste à montrer explicitement et avec insistance un objet pour signaler aux spectateurs qu'il aura probablement son utilité par la suite du récit. Un plan séquence dans le premier tiers du film, assez renversant, nous donne ainsi les cartes du jeux, dans le désordre et nous invite à entrer dans l'arène.
Si l'on regrette le manque de charisme des trois acteurs du film, les ressorts de peur uniquement fondé sur les jumpscares, quelques situations assez faciles, et une fin dont on se serait bien passé, Don't Breathe, malin dans sa modestie, est un bon petit film de genre, au propos nuancé, aux effets claustrophobiques réussis et à l'efficacité réjouissante.