Don't Breathe est un thriller où une bande de jeunes habitants désabusés de Detroit va cambrioler une maison isolée la nuit pour quitter au plus tôt cette ville. Mais le propriétaire a beau être vieux et aveugle, c'est un vétéran de la guerre du Golfe qu'il ne fait pas bon d'énerver. Ce huis-clos nocturne va donc mal se passer pour tout le monde, les cambrioleurs devront jouer sur la cécité de leur adversaire pour s'en sortir. Avant de poursuivre je précise que si le film tend vers le cinéma d'horreur par sa construction et sa violence, il ne verse pas pour autant dans le gore. On verra le sang, on verra que les personnages prennent cher, mais on ne fait pas dans de la démonstration sanguinolente pour autant.


La première chose qui pourra vous convaincre de voir Don't Breathe, c'est de savoir qu'il y a très peu de jump scare. Il y en a quand même un tout petit peu, mais ils ne sont pas trop pénibles. Le premier arrive d'ailleurs avant que le film commence pour de vrai et sonne limite comme un gag, les cambrioleurs n'ont même pas commencé leur affaire qu'ils ont déjà des raisons de s'inquiéter. Pour le reste, le réalisateur a parfaitement compris que c'était le silence qu'il fallait mettre en valeur dans ce film. C'est déjà vrai dans la plupart des cas : ça augmente le stress, ça participe à l'ambiance et ça rend les apparitions soudaines du propriétaire bien plus glaçantes que si on était averti par un jump scare. C'est encore plus vrai dans un film où l'essentiel de la survie des personnages principaux passe par le silence le plus total pour ne pas se faire repérer par un prédateur qui, lui, est parfaitement visible. Tout au plus aura-t-on droit à un fond sonore stressant mais pas bruyant, mais souvent le silence sera total et nous mettra dans la même position que les personnages qui appliquent l'injonction donnée dans le titre du film.


Avec ce silence respecté on a déjà une bonne base pour un film d'horreur, mais le film se permet même d'en bousculer les codes. Un slasher repose souvent sur le fait que les victimes se sentent observées par une présence malveillante cachée, et elles sont dans l'attente de l'attaque sans savoir où et quand elle va se produire. Ici c'est l'inverse, l'aveugle est souvent visible et c'est lui qui sent la présence des héros sans arriver à les voir. Dans sa première moitié, Don't Breathe est en fait un film de fantômes où l'on a le point de vue des spectres. L'aveugle est chez lui, il se repère très facilement dans sa maison, mais il réalise que des forces invisibles sont présentes et qu'il doit les affronter en ne se basant que sur les craquements de plancher et les portes qui claquent. Alors que la mécanique des films d'horreur consiste souvent pour les personnages à faire en sorte que le boogeyman ne les attrape pas, ici c'est à eux de faire en sorte de ne surtout pas le toucher. C'est poussé dans la 1ère partie jusqu'à un point où l'on a limite l'impression que cette règle est sacrée, comme si cet homme n'était pas humain et qu'en le touchant on se damnerait. Or il n'y a aucune barrière entre l'aveugle et les cambrioleurs, il est toujours là, tangible, parfois en face d'eux. On dirait deux mondes, l'un spectral et l'autre humain, qui seraient très proches l'un de l'autre mais sans entrer en collision, faute de quoi l'équilibre éclaterait. C'est un enfer permanent pour les personnages parce qu'il n'y a pas de zone de sécurité, pas de garde-fou. Il y a une excellente scène dans le noir (et le silence) complet avec une vision nocturne du plus bel effet, où tout le monde se trouve à égalité, seul le spectateur voit ce qu'il se déroule. Et là c'est l'aveugle qui devient un fantôme, l'image en vision nocturne fait briller ses yeux et blanchir sa peau tandis que sa silhouette se détache progressivement comme celle d'un spectre. Cette première moitié est un vrai bijou, conjuguant à merveille la peur simple des proies face au chasseur, à une peur plus irrationnelle face à une situation qui évoque le paranormal.


Mais le film doit bien se diversifier et la 2e moitié sera donc portée sur quelque chose de différent, mais aussi de plus classique. Il est venu le temps des course-poursuites et des corps-à-corps acharnés. C'est la conséquence attendue d'une logique de crescendo et ça fait au moins varier les situations, mais je regrette qu'on ait perdu cette ambiance de maison hantée pour rentrer dans quelque chose de plus frontal. Au moins c'est bien exécuté, on ne se perd jamais dans l'espace et la nervosité ne remplace pas la lisibilité. On reste cependant dans une succession de péripéties qui ne plaira pas à tout le monde. On avance, on se fixe un objectif qu'on mettra sans arrêt à jour, on change de lieu par quelques artifices un peu vidéoludiques (tiens, ramassons ces clés), on a parfois une brève mésaventure de 30s dont on ne doute pas trop de l'issue et on ne se repose quasiment jamais. Il n'y a pas de zone de sécurité, donc forcément il y a peu de moments pour se poser, mais je n'ai pas pour autant eu l'impression que tout allait trop vite, c'était pas Hardcore Henry. C'est un peu dommage, mais c'est suffisamment bien exécuté pour que ce ne soit pas agaçant. Ce qui m'a le plus gêné c'est qu'il y a un moment où l'aveugle parle pour de vrai avec les personnages. Et ça aurait été bien mieux de le laisser quasi-mutique jusqu'au bout, ça renforçait son statut de prédateur intouchable et insensible. En plus il parle pour donner des explications, dont la moitié se devinait facilement et l'autre moitié aurait pu être rendue compréhensible même sans dialogue. Ça désacralise un peu le truc de tout expliciter. C'est également un passage qui coïncide avec un moment glauque qui surprend même dans un film d'horreur (et se joue d'un autre cliché bien connu des slashers), et un excès de "violence" qui a fait rire la salle, je ne savais pas trop quoi en penser.


Malgré sa 2e partie un peu en dessous mais tout de même soignée et prenante, le film m'a vraiment convaincu. Il s'inscrit dans du pur divertissement sans grande évolution des enjeux mais non seulement il le fait très bien, mais il se permet aussi de bousculer quelques codes et de renverser des situations connues. Pas de plan racoleur sur la fille du groupe, pas de réflexions beaufs, pas de gore à outrance, pas de déclaration d'amour superficielle (tout au plus une relation platonique), presque pas de jump-scare. On a une bonne exposition, l'iconisation de la maison est très réussie et le rythme ne faiblit pas, sans non plus se précipiter. La réalisation est très maîtrisée, j'adore le sound design et la manière dont est gérée l'obscurité. Don't Breathe est une bouffée d'oxygène.

thetchaff
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le 14 oct. 2016

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