De simplement évoqué dans le premier Doctor Strange, le multivers est devenu le subterfuge rêvé pour faire rebondir le Marvel Cinematic Universe. Le concept fut largement exploité dans Spider-Man : No Way Home et les séries Loki ou What if..., ne restait plus qu'à le renvoyer à son instigateur tel un boomerang. C'est chose faite avec Multiverse of Madness, voyant le cher Stephen Strange se confronter aux conséquences de cette porte ouverte sur de multiples dimensions parallèles.


La première d'entre elles, c'est voir Scott Derrickson, réalisateur transparent du premier volet, se faire gentiment pousser vers la sortie pour "différends créatifs" comme on dit poliment. Apparemment, Derrickson ne s'accordait plus aux critères Marvel (!) qui est donc allé chercher...Sam Raimi, réalisateur des Evil Dead et évidemment Spider-Man, pas du genre à servir de prête-nom pour aller roupiller derrière les moniteurs. Où trouver une logique autre que commerciale ? Étonnamment, Raimi retourne les choses à son avantage. En partie.


Que vous ayez suivi assidûment ou non les productions Marvel sur grand écran ou Disney +, soyez rassurés. Aucun risque de ne pas comprendre quelque chose puisqu'il n'y a pas grand chose à comprendre de toute façon. Qu'on aime ou pas cette giga-franchise, on ne peut lui contester sa grande absurdité sur le plan scénaristique. Le raisonnement de Sam Raimi est donc le suivant : plutôt que de s'épuiser à la combattre, pourquoi ne pas l'embrasser ?


Vous retrouverez donc les tics habituels : personnages négligeables, histoire écrite sur un coin de nappe et effets visuels baveux. Des précisions ? En dehors d'Elizabeth Olsen (qui trône sur le film) et Bennedict Cumberbatch, les autres comédiens/-nes n'ont rien ou presque rien à défendre. À part Rachel McAdams, ils ne se forcent pas non plus, par exemple Xochitl Gomez, Benedict Wong. Ajoutons les quelques invités dont la présence (justifiée, pour une fois) est rigide, en décalage, pas du tout synchrone. En ce qui concerne le festin numérique, il est à la fois bourratif et pas très nourrissant (beaucoup d'incrustations vilaines). Pendant la première heure, c'en est presque douloureux tant le génie de Raimi semble grippé. On discerne quelques idées au détour d'une énucléation rigolote ou d'un historique en fondus enchainés, mais c'est encore timide. Trop pour masquer le script bébête. Effectivement, il se réservait pour la deuxième moitié.


Le rôle d'un auteur chez Marvel ? Se taper l'organisation de la fiesta (traduction : les séquences dialoguées peu engageantes) pour être congédié au moment où elle commence. Un secret de polichinelle, les scènes d'action sont confiées à une seconde équipe qui les met en boîte en parallèle du tournage principal. C'est l'inverse ce coup-ci, comme pour le récent Shang-Chi. Sitôt que la partie exposition/références est dépassée, Raimi rappelle qui est à la barre et accélère. Le montage alterné à ses limites, mais on retrouve davantage le style foufou, les travellings débullés (avec la caméra inclinée), les gros plans furieux et la louche de gore (vous avez bien lu). D'un coup, Multiverse of Madness redevient la chose de son auteur, de la série Z cradingue assumée qui envoie des scènes exaltées (un combat musical). Une permutation inespérée, presque à même de racheter cette première heure laborieuse. Dernièrement, et sans prévenir, ce Doctor Strange 2 nous offre un antagoniste bouleversant comme on en avait plus vu depuis...le Bouffon Vert incarné par Willem Dafoe. Tout homme de spectacle qu'il est, Raimi a bien conscience que l'affect pour le personnage se doit d'être proportionnel à la menace qu'il représente. Il lui offre un conclusion qui risque d'en émouvoir plus d'un.


Les craintes étaient là. Certaines se sont révélées exactes. Mais d'autres ont été tenues en respect par la simple foi en la mise en scène. En injectant son goût de l'insolite et du déviant, le réalisateur adulé rattrape ce qui n'aurait pu être qu'un volet de plus dans la longue litanie de productions futiles. Dans l'absolu, c'est déjà bien. On a pas à se contenter d'un film tenant à peine sur ses appuis, on peut en revanche se contenter d'un film boîteux signé Sam Raimi.

ConFuCkamuS
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le 5 mai 2022

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