Pas de grosses surprises, un poil fâcheux pour le réalisateur démocratiquement élu le plus surprenant, néanmoins divertissant et bien tenu la majeure partie du temps.

Mais on ne sent plus le côté ténu, juteux, authentique, exalté des trois premiers Tarantino, Reservoir dogs, Pulp Fiction ou Jackie Brown. On se fondait dedans, on fusionnait avec l'esprit du truc, autant pour le plaisir de relever les clins d'oeil que pour en savourer leur singularité d'utilisation. Ces films éclatés au final, c'était lui. C'était l'ex-vendeur passionné de vidéoclub qui parle de tous les genres en une seule phrase sans réfléchir. D'instinct, il savait comment faire sa VHS omnibus best of "instants cultes" je suis un lover.

Depuis Kill Bill où il débarque en grande pompe avec une musique de match de foot, c'est plus pareil. On ne rentre plus dedans avec insouciance. Lui comme nous connaissons la formule. L'originalité de grosses stars à contre emploi dans des rôles colorés n'éclate plus de la même manière non plus. Pour palier à ce polissage néfaste et à ces années qui passent, démons de la passion hédoniste, Quentin a toujours son bon vieux Samuel L Jackson et son nouveau remède qui marche encore, son Christoph Waltz qui fait une grosse part de la saveur d'auto-dérision indispensable. Son regard à la fois plausible et anachronique intervient à notre place contre les pratiques sudistes d'un autre âge et complète avantageusement le lot de scènes bien connues d'humiliation, torture, etc.

Du coup, quand Christoph s'efface, il reste Jamie Foxx... Il fait le job Jamie mais le rigolo multifacettes, c'est pas son truc (et là je pense à "Furtif"...). Et il ne peut pas se la jouer frime comme ça marchait si bien dans les premiers Tarantino. Voyez sa photo sur SC (http://sens.sc/14lfwry)(bon, ils ont changé la photo...), Bruce Willis pouvait frimer, pas Jamie. Donc, pour réfréner la frime, ce sera le taciturne. Cool le taciturne, très Franco Nero, même rabaissé, humilié, torturé, il continue le taciturne, aucune nuance, toujours la même tête, Franco Nero aussi en 66 mais n'est-ce pas censé être d'un autre standing ? (Franco Nero est bien d'ailleurs).

Par contre, physiquement, Jamie est bien. Pour le corps de fer, le cheval à cru, le pistolet, le dressage, Jamie a bossé à fond au point d'en rajouter de lui-même*. Mais niveau étincelle de vie, sentiment amoureux et sensibilité du regard, c'est ballon. Son meilleur moment, c'est lorsqu'un esclave le regarde chevaucher à cru, admiratif. C'est à la fin et je vibrais enfin un peu pour le héros par le biais d'un autre acteur, secondaire lui.

Léo est bien, rien à redire, même si la partie à Candyland est trop, trop longue et se solde par un échappatoire qui n'est là que pour dire : la vengeance arrive. C'est aussi le principal dans un Spaghetti mais Tarantino n'en est pas au réalisateur de B movie foutraque et énergisant qu'il admire, c'est là tout son paradoxe. Tarantino, c'est censé être du costaud en bloc et on dirait presque que ça le pèse. Il est moins au taquet et même assagi à bien y regarder. Voyez comme son apparition est nonchalante et mollassonne. Voyez comme les litres de sang cautionnés par le genre heroic bloodshed qu'il revisite (ah non, c'est le western pardon...) remplacent les bonnes idées fraîches et simples de l'action.

ça reste très sympa globalement parce que c'est quand même autre chose que tout un tas de merdeux (cette tanche de Rodriguez en premier lieu). Il sait mettre en scène, rien que les travellings à cheval ont de la classe. Bon, certains passages avec des filtres criards sont plus douteux certes. Mais, il sait aussi où il veut aller avant le carnage final. L'histoire n'a peut-être rien à voir avec le Django original mais il en garde bien l'esprit du tueur surdoué venu de nulle part qui met le boxon chez les ploucs. Et puis, il orne bien son héros de tout un tas de scènes "cultes" qui le rebellisent au point de finir par s'y attacher un peu malgré qu'il n'existe que parce qu'il est le héros noir. Yes, he can.

Faut pas nous la faire pour autant, on est obligé de faire des concessions pour approuver la tambouille. Avec son envie de prouver qu'il sait faire un "vrai" film pour prouver que c'est un "vrai" réalisateur qui veut plaire à tout le monde, Quentin fait lui aussi des concessions. Du coup, tout le monde fait des concessions ce qui n'est pas génial pour un film voulu rebelle et explosif.

Tarantino s'adapte forcément au public plus large ce qui change notoirement la façon de montrer ce qui est à la base de l'amour pour un cinéma de niche.

Il y a tous ses tics qui n'ont plus le charme des débuts, engraissés par la nécessité que tout le monde a de devoir les apprécier (le rap sur ralenti, non ça va merci), mais tenter de faire un "vrai" film me semble tout de même une meilleure voie que de refaire un pudding d'hommages bâtard type Kill Bill désormais. Avis perso.

Et sinon, comme toujours, la bande sonore décalque la gueule. Pas la musique même si elle est bien, on connait la chanson, le truc qui fait que même une petite balle peut faire le son d'un tir de tank.

Bref, c'est pas la gloire mais pris au niveau actuel de gros machin, c'est plutôt bon.

* Euh, sinon, le petit cours d'équitation à la fin, c'est quoi, une pirouette déguisée pour dire : on a bien bossé hein !?...
drélium
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le 25 janv. 2013

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drélium

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