L'enfer et le paradis
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Vaste programme pour cette palme d'or mais critique succincte. Disons que Jean-Jacques, Jacques et moi-même, partageons, outre cette commune propriété ma foi assez notoire et largement répandue d'être les dépositaires du sexe futur de nos enfants, une histoire d'amour "je-t'aime-moi-non-plus" avec le langage. Et celle d'être un jour tous les trois morts. J'ai dit Jean-Jacques comme j'aurais pu dire Georg Wilhelm Friedrich, tant les philosophes ayant disserté sur la question du langage se bousculent au portillon. Sauf que je n'ai rien lu de lui de particulier sur le sujet et que le premier à Jacques dans son nom, ce qui vu le contexte, vous en conviendrez, sonne mieux que le Wilhelm du second dont est également affublé, à quelques fautes d'orthographes près, cette chanteuse reptilienne dont la rumeur voudrait qu'il soit lui-aussi dépositaire du futur sexe de ses enfants, et que même le guttural Friedrich juxtaposé, si fièrement porté par un autre penseur tudesque, ne saurait annihiler la mélodie dévastatrice. Tout ça pour dire qu'il y a 2300 ans, quand Aristote pensait que la parole engendrait la société en même temps qu'elle en tirait sa raison et qu'elle en était elle-même l'effet, avait totalement raison et totalement tort à la fois. Totalement raison parce sa prédiction prévoyait directement, par sa négation, l'abandon de l'édification de la tour de Babel et l'effondrement de la société de la vallée de Sennar par la confusion des langues ordonnait par Dieu. Totalement tort car alors il n'avait pas su voir que même au cœur de l'abîme et de l'incompréhension, un langage, non verbal celui-là, pouvait émerger et prendre le pas sur la parole et engendrait une nouvelle forme de société, plus pure peut-être, plus dure sans doute : l'amour et la haine, la tendresse et la violence, la vie et la mort.... Les deux langages universels. L'Homme, quand il n'aura plus la parole pour exister, trouvera toujours son salut. Dans la Nature. Dans sa nature. Dans le creux de ses bras ou la jointure de ses poings. Ça tombe bien, il n'est questions que de ça dans le film d'Audiard.
Aristote c'est bien beau, mais où est passé Jean-Jacques me direz vous! Il arrive. Et pas seul, puisque si son essai traite bien de l'origine des langues, il introduit également le rôle socialement défini de la musique et des sons. Et quoi de mieux que la douce mélodie d'un orgasme ou d'un baiser et que le hurlement foudroyant d'une rafale de kalachnikov pour bien se faire comprendre?
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Créée
le 26 août 2015
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