1981 : les autorités britanniques sans aucune consultation avec les populations locales décident la construction d'une base nucléaire de l'OTAN à Greenham Common dans le sud de l'Angleterre.

Septembre de la même année des femmes (au départ 36 femmes du Pays de Galles qui deviendront vite plus nombreuses) décident quant à elles de s'y opposer et d'organiser un camp de protestation pacifique au contour du site militaire.

Une longue lutte commence qui durera près de vingt années.

Sonia Gonzalez qui avait déjà réalisé en 2014 le très bon documentaire sur le mouvement Riot Grrrls "Quand les filles prennent le pouvoir " (que j'ai chroniqué sur ce site), continue de s'atteler à nous présenter des luttes et combats féministes généralement peu connues du grand public.

A travers images d'archives assez remarquables et interviews de protagonistes de l'époque la réalisatrice nous livre un documentaire passionnant et très riche. Les entretiens sont particulièrement intéressants et le montage très réussi.

Les femmes opposantes décident donc d'organiser un campement tout autour de la base nucléaire. Un camp 100% féminin et qui pratiquera des actions directes mais non violentes. Blocage de l'entrée de la base militaire, arrachage des barbelés, enchaînement aux grilles, occupation des silos de lance missiles... les modes d'action sont larges mais c'est surtout l'encerclement de la base ("embrace the camp" ) par une chaîne humaine de 30 000 femmes le 12 décembre 1982, au grand dam des autorités, qui va être le declencheur et qui va faire connaître la lutte et la résistance au grand public. Et en ridiculisant ouvertement les forces de l'ordre qui ne savent pas comment réagir face à ce type d'actions.

Alors que certaines sont militantes politiques, syndicalistes, pacifistes ou féministes, beaucoup ne sont pas politisés lorsqu'elles décident de venir s'installer au campement. C'est ce mélange qui va donner une forme d'originalité et de pluralisme au mouvement d'opposition.

Nous sommes alors encore en pleine guerre froide entre les deux blocs et alors que la tension est à son paroxysme le gouvernement Thatcher réprime (mineurs, irlandais... la dame de fer sait y faire !). Militaires, policiers, huissiers qui expulsent (et saccagent le camp d'opposants), peines de prison sans oublier la presse réactionnaire britannique qui traine les militantes dans la boue. La répression est lourde.

A l'époque le mouvement contre les armes nucléaires était très fort en Grande Bretagne (comme en Allemagne avec les Grunen), animé notamment par le CND (Campaign for Nuclear Disarmament - Campagne pour le désarmement nucléaire) que j'ai suivi de près car les anarcho-punks y étaient assez présents, d'où mon intérêt accru pour ce film.

"Des femmes face aux missiles" fait magistralement revivre ces années de lutte jusqu'à la signature du traité sur les armes nucléaires par Gorbatchev et Reagan en 1987, le démantèlement progressif de la base , le départ des derniers missiles en 1991 jusqu'à la fermeture de celle-ci en 2000 puis la rénovation de la zone en parc.

Face au puissant lobby et complexe militaro-nucleaire, symbole du patriarcat et de l'autorité par excellence, les femmes ont mené une lutte exemplaire qui en appellera beaucoup d'autres par la suite, partout dans le monde (Z.A.D en France ...).

Une lutte féministe et pacifiste que Sonia Gonzalez a la bonne idée de remettre sur le devant de la scène et de faire connaître alors que malheureusement celle-ci était quasiment tombée dans l'oubli, y compris en Grande Bretagne.

Rappelons que le devoir de mémoire est important et que le combat (féministe, pacifiste, anti nucléaire...), en 2022, continue plus que jamais.

J'ai eu la chance de voir le film en avant première lors du festival "Femmes en résistance" dont c'était la vingtième édition à Arcueil, suivi d'un débat avec la réalisatrice et l"une des protagonistes de la lutte Rebecca Johnson.

Le documentaire sera en principe diffusé sur Arte en décembre et il (re)donnera du baume au coeur et de l'espoir à ceux qui croient encore aux luttes futures pour un monde meilleur.

PS : il s'agit d'une première ébauche de chronique je viendrai faire des rajouts ultérieurement

(Chronique rédigée le 25 septembre 2022 puis modifiée au fil des jours...)

nico94
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le 13 déc. 2022

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