Behind, ça fait belle lurette qu'il n'est pas monté dans un train. Souvent bondé, souvent à se retrouver dans le wagon fumeur pour avoir un peu de tranquillité et puer la clope... Pas top tout ça. D'autant plus que dans son bled qui constitue certainement le dernier bastion communiste de France, Behind souffrait de l'omniprésence et de la mainmise de la C.G.T. sur les gares qu'il fréquentait, le pauvre. Grèves surprises, à répétition, pour un oui ou pour un non, le masqué, il a tout connu, ainsi que les retards incessants et les arrêts en rase campagne car le conducteur avait piqué du nez sur sa console. De quoi étrangler quelques personnels S.N.C.F. pour passer ses nerfs, tiens.


Alors, quand les Coréens font monter des zombies dans le train, Behind n'y tient plus et, alors que des mauvais souvenirs de gare le submergent, il craque nerveusement en pleine séance. Faut dire que ce Dernier Train pour Busan assure sacrément et redonne, rétrospectivement, quelques couleurs à cet été 2016 relativement triste point de vue qualité. L'ami Cosmic M avait donc raison en me disant qu'il fallait regarder du côté de la Corée...


L'image de cette biche écrasée qui reprend vie donne le la du film : fulgurant, impressionnant, viscéral et, comme beaucoup de ses compères, contenant une critique économico-sociale qui pourrait le rapprocher, côté genre, du Hong-Kongais Dream Home, tout aussi percutant et saignant. Il sera ici question de l'individualisme forcené de cette société qui dévore ceux qui travaillent pour elle et le capitalisme qui l'irrigue.


Dernier Train pour Busan happe le spectateur dès sa première minute pour ne plus ensuite le lâcher, jouant habilement de sa galerie de protagonistes quelque peu cliché pour, au cours de l'aventure, les humaniser et faire que l'on s'attache à eux. Il joue aussi très habilement de son décor et gère son espace de manière ingénieuse pour en exploiter toutes les richesses et les situations, faisant de ce train un bol d'air pur dans un genre qui semble sur la pente descendante. Il n'y a qu'à voir, par exemple, comment un seul assaut de masse, dessiné comme une véritable vague putréfiée, un raz de marée, fait oublier sans mal un World War Z finalement bien propre sur lui et son image phare, celle du mur de zombies en Israël qui, aussi impressionnante soit-elle techniquement, est immédiatement reléguée au rang de dérisoire péripétie.


Les simples plans de masses des zombies qui s'écrasent sur les portes vitrées, cédant finalement sous leur poids, l'incapacité des survivants à les occire ou encore la rapidité de la propagation de l'infection suffisent à prendre à la gorge, tout comme l'environnement et l'atmosphère de guerre civile qui règne, relayée par les médias et minimisée par une propagande gouvernementale qui assure que les émeutes sont sous contrôle. Aucun temps mort ne vient ralentir la marche inexorable du train. La survie, elle, est trépidante, tout en jouant sur un aspect furtif bienvenu exploitant l'obscurité momentanée des tunnels traversés.


Dernier Train pour Busan, au delà de son action constante, voit aussi la naissance d'un père, pris d'abord dans la tourmente d'un divorce, absent, tout comme Ray, le docker de La Guerre des Mondes version Spielberg. L'angle de la famille en ruines donne toute sa résonance au film et son ancrage émotionnel, en la confrontant au drame de la séparation et à d'autres liens qui, au fil du scénario, se rompront tour à tour définitivement, dans les larmes. Jusqu'à cette dernière image et cette ombre possédée qui se laisse emporter, image magnifique et touchante qui imprime durablement la rétine.


Behind_the_Mask, qui ne risque pas de remonter dans un train de sitôt.

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le 1 oct. 2016

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