Jean-Pierre Jeunet (avec l'aide de son co-réalisateur Marc Caro, il faut rendre à César ce qui appartient à César !) balance pleinement la patte bien unique de son univers dans ce premier long-métrage.


Il suffit d'abord de se laisser plonger dans le visuel pour tout de suite savoir qui est derrière la caméra. Il y a déjà les couleurs de l'image qui sont accentuées jusqu'à l'extrême. Ici des teintes chaudes tirant volontiers dans le doré, mais dans des décors leur donnant une allure volontiers glauque. Choix tout à fait pertinemment quand on sait qu'on est dans une comédie noire.


La vision très ORTF de la vie d'une immeuble et de sa faune dans un futur apocalyptique, dans lequel les graines par leur rareté remplacent l'argent et où on est obligé de manger les concierges des immeubles pour combler ses appétits carnivores ou avoir son taux nécessaire de protéines, n'a nullement d'autres ambitions que celles d'être fantaisiste à 300 % ainsi que nostalgique, car le réalisateur n'a jamais caché son amour du cinéma français de ce que l'on pourrait appeler un âge d'or.


Cet amour se voit notamment dans ce qui est et restera par la suite une des particularités de Jeunet, avoir des gueules mémorables dans la distribution. Vous vous souvenez des Jouvet, Simon, Raimu, Fernandel ? Le réalisateur a les siennes propres. Le fidèle des fidèles, Dominique Pinon, bien sûr, dans le rôle principal, mais aussi Jean-Claude Dreyfus (savoureux en boucher antagoniste voulant transformer le pauvre protagoniste en charpie avec son hachoir !), Ticky Holgado, Edith Ker, Rufus (en fabricant de boîtes à meuh, trop sous-exploité au passage, il aurait été bien que ses relations avec la locataire suicidaire sont plus approfondies ; par contre, pour cette dernière, ses tentatives pour mettre fin à ses jours, aussi élaborées que foireuses, car toujours perturbées par un élément venant de l'extérieur, sont à mourir de rire !) et bien d'autres. Même Karin Viard, en femme légère de caractère, est à son aise dans un personnage dans lequel Arletty aurait été aussi comme un poisson dans l'eau. Oui, tout ce petit monde est gâté avec des caractères hors normes.


Qu'ajouter de plus ? Ah oui, une bonne dose de délire (ah le groupuscule des troglodistes !), une autre de poésie (ah, cette scène finale sur le toit !) et le tour est joué. Le spectateur que je suis a éprouvé beaucoup de plaisir devant cette pièce de cinéma aussi audacieuse et peu conventionnelle que divertissante. Le Jeunet des premiers films (jusqu'à Amélie Poulain compris en gros !) est enthousiasmant.

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le 5 févr. 2022

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Plume231

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