Delicatessen, le nom indique dés le début un paradoxe humoristique sans conteste : en quoi une boucherie commercialisant de la chaire humaine aurait quoi que ce soit à voir avec de la délicatesse ou de la tendresse ? Ceci concrétise dés de titre la voie choisie par Marc Caro et Jean Pierre jeunet au niveau du récit qui va se baser sur deux sujets clef : l'amour et l'égoïsme engendré par la faim et la cupidité. Ainsi Les vices de l'égoïsme sans scrupule ne ressortent que naturellement dans ce monde délabré et en ruine.

On assiste ici à une extraordinaire inventivité imaginative condensée sous forme de film. Mettant en exergue la dérision de notre monde au travers de la pauvreté manifeste de vie de cet immeuble. Fort en humour macabre il anesthésie les aprioris du spectateur pouvant être dus à la surprise de cette nouvelle approche du cinéma.

Tout y est extraordinairement mis en place de façon jubilatoire et désopilante : la mise en scène, les cadrages que la lumière sang, or, brume et saleté vont rendre extraordinaire et créer une atmosphère extravagante, insolite, et presque angoissante. Caro et Jeunet dessinant au travers du prisme de leur vision unique du cinéma une banlieue glauque mais en réalité fort belle, sûr-stylisent des décors à la fois vides et saisissants ou errent des âmes en peine sans réel autre but que de se laisser vivre ou survivre au grés de cette arrivage macabre de viande humaine qui va rythmer la vie du quartier comme une réelle sanctification. Aucune règle n'est fixée autre que celle que le ventre dicte en despote incontesté.

L'incroyable est que chaque personnage possède une unicité distincte et propre, par casting et un jeux incroyable, la sensibilité avec la quelle chaque personnage est creusé dans une finesse sans conteste est un régale. Aucun personnage n'est traité de façon réellement sérieuse, mais la dérision des personnages renfonce leur caractère singulier car chacun possède des névroses différentes aux autres et s'y enfonce progressivement pour le plus grand plaisir du spectateur.

Caro et Jeunet unissent le comique et le morbide, avec eux l'atroce devient humoristique dans une parfaite association de l'antagonisme des deux idée. Le film dans son entité ne ressemble à rien ni personne et n'est égalé par personne. Un remarquable exercice de style qui mériterait une reconnaissance bien plus grande que celle dont il jouit actuellement. Chaque seconde du film doit y être savourée car construit par un tempo et un lyrisme unique en son genre ou le loufoque règne en maître. Dans ce film on ne jouera pas vulgairement de la guitare, mais de la scie musicale... l'argent ne sera pas sous forme métallique mais plutôt de céréales et enfin manger sa mère ou perdre une jambe n'est pas en soi très dramatique mais plutôt une tristesse passagère qu'un bon morceau de chaire humaine va rapidement refouler.

La virulence du funeste sous forme burlesque et extravagante voilà le pari osé dont sortent plus que victorieux Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet.
NicoH
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le 8 avr. 2012

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