Park Chan Wook a mis six ans pour faire ce film. Il fallait bien ça pour rendre crédible une histoire d'amour improbable entre un policier et une supposée meurtrière et l'assembler à une enquête dont les faisceaux d'indice convergent de telle sorte que l'on ne peut jamais savoir jusqu'à la fin si la fille est coupable ou pas et si elle est amoureuse ou si elle fait semblant.

La mise en scène nous entraîne de la montagne à la mer, sous la pluie ou la neige dans des paysages qui ont dû être soigneusement choisis autant pour leur photogénie que pour leurs possibilités d'effacer les traces.

Tant pis pour ceux qui ont été excités par le gore de Old Boy, Park Chan Wook fait preuve ici de subtilité et entremêle le vrai et le faux, les sentiments délicats et les indices maquillés, la sensualité esquissée et les froides sueurs avec un instinct inné et tout sauf basique du retournement de situation.

Le flic en planque tombe amoureux de la femme fatale qu'il observe avec ses jumelles mais aucun voyeurisme ne vient enlaidir la pureté des sentiments. Les confrontations finissent par devenir des rendez-vous amoureux, mais les rendez-vous amoureux n'échappent pas aux questionnements de l'enquêteur. Les messages des smartphones sont autant des messages d'amour que des preuves à charge ou à décharge, les applications de traductions du Chinois au Coréen accusent, pour innocenter aussitôt après.

Le flic et le spectateur ont de quoi s'y perdre d'autant plus que la femme fatale Sore, remarquablement interprétée par Tang Wei, est elle-même perdue entre culpabilité, dépit amoureux, auto-destruction et sensibilité à fleur de peau. L'interprétation de Park Hae-il est juste, dans un rôle ambigu de flic obsédé par l'enquête mais entravé dans son désir condamné par une société coréenne qui laisse peu de place aux sentiments.

Le prix de la mise en scène à Cannes est amplement mérité pour ce beau portrait de femme, en même temps que pour ce labyrinthe de sentiments et de situations dans lequel on prend plaisir à se perdre.

Zolo31
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films coréens

Créée

le 5 juil. 2022

Critique lue 85 fois

11 j'aime

6 commentaires

Zolo31

Écrit par

Critique lue 85 fois

11
6

D'autres avis sur Decision to Leave

Decision to Leave
lhomme-grenouille
4

Factice Instinct

Jamais. Non, jamais je ne suis parvenu à rentrer dedans. On aura beau mobiliser tous les arguments formalistes qui soient – arguments que ce Decision to Leave peut fournir à foison et ça je l’entends...

le 3 juil. 2022

107 j'aime

16

Decision to Leave
Plume231
8

Dans la brume !

Park Chan-wook est un cinéaste dont j'avais tendance à me méfier. J'avoue qu'Old Boy (sans le détester parce qu'il est malgré tout un thriller aussi captivant que cruel avec des moments qui déchirent...

le 30 juin 2022

67 j'aime

19

Decision to Leave
Procol-Harum
7

Vertigo in love

Après une brève incursion télévisuelle, avec la série britannique The Little Drummer Girl, Park Chan-Wook fait son retour sur grand écran et confirme le virage artistique entrepris avec Mademoiselle...

le 3 juil. 2022

39 j'aime

9

Du même critique

La Vie scolaire
Zolo31
7

Wesh Moussa, j’te connais, mec de mon bâtiment !

J’ai bien failli faire l’impasse sur ce film mais nous étions le 31 août et il me restait deux tickets de cinéma à utiliser dernier délai, donc retour vers l’enfer du 9-3, bien planqué cette fois-ci...

le 1 sept. 2019

34 j'aime

10

Thalasso
Zolo31
7

Extension du domaine de la lutte par l'utilisation combinée des bienfaits du milieu marin

Le cinéma français aurait-il trouvé un nouveau souffle grâce à l'absurde ? En même temps que sort Perdrix du prometteur Erwan Le Duc paraît donc le nouvel opus de Guillaume Nicloux, Thalasso. Le...

le 21 août 2019

28 j'aime

10

Julieta
Zolo31
5

Homéopathie? Pauv' Julieta!*

Similarité, identité, conformité et similitude. Le dernier opus d'Almodovar respecte ces principes. Principe de similarité Julieta est un film sur les rapports mère - fille, comme tous les films...

le 1 juin 2016

28 j'aime

1