Il est souvent très plaisant de voir les artistes se réinventer, manœuvrant pour fabriquer une authentique pellicule errant à la surface du temps, dans laquelle le son s'articule avec les images.
Se devant de réinventer son propre propos, Park Chan-wook fait ici abstraction aux nombreux codes que son cinéma connaît, emplie du perversité doublé d'une crudité chimérique. Exploitant le genre du polar à la façon du cinéma coréen de Kim Seong-hun ou du Memories of murders de Bong Joon-ho, développant l'historique de son film au contact du genre policier, prolongeant les larges plans de poursuites sur les toits.

Liant les nombreuses scènes de son film par de longues transitions, instaurant une certaine amplitude pouvant par moment alourdir son travail, le réalisateur coréen, stylise ici sa création onirique, par de beaux plans rêvassants, débutant par une scène d'ouverture sur fond de motifs à couleur satinées, en passant pas l'apparition de méduses sur grand écran, rassemblant ce qui durant les années 2000 à fait les beaux jours du cinéma asiatique, épris d'une photographie à la Wong Kar-wai, Park Chan-wook atténue les déboires pour laisser la romance prendre place.

Dans Decision to leave, le regard à une importance capitale, s'orchestrant de tous les côtés, de ceux des policiers contemplant l'étendue des corps spectraux, à celui de l'homme dont l'amour grandit au contact de cette femme, scrutant de sa voiture, les moindres gestes et détails, jumelles à la main, l'observation se fait maîtresse des actions et des attisements du personnage.

Sur les hauts sommets montagneux, la peur du vide s'éprend de son spectateur, infligeant à son acteur une mort vertigineuse, finissant tel que Vertigo par assouvir les angoisses et phobies de son public, se devant de lui rendre le verdicte de cette enquête rocheuse, tapissant les résidus des meurtres à l'encontre de cette belle histoire d'amour.

Rejoignant cette belle phrase d'Education sentimentale de Gustave Flaubert :

"Se fut comme une apparition, elle était assise, au milieu du banc, toute seule; ou du moins il ne distingua personne dans l'éblouissement que lui envoyèrent ses yeux."

Refermant la dernière page de son livre, par une très belle scène de fin océanique, enterrant l'amour sous le sable chaud des ébats pationnels, clôturant une histoire d'âmes, s'engouffrant dans les abîmes des vagues de tristesses et de désespoir.

(7,5/10)

Hugo_lesc
8
Écrit par

Créée

le 7 juil. 2022

Modifiée

le 8 juil. 2022

Critique lue 13 fois

2 j'aime

Hugo_lesc

Écrit par

Critique lue 13 fois

2

D'autres avis sur Decision to Leave

Decision to Leave
lhomme-grenouille
4

Factice Instinct

Jamais. Non, jamais je ne suis parvenu à rentrer dedans. On aura beau mobiliser tous les arguments formalistes qui soient – arguments que ce Decision to Leave peut fournir à foison et ça je l’entends...

le 3 juil. 2022

107 j'aime

16

Decision to Leave
Plume231
8

Dans la brume !

Park Chan-wook est un cinéaste dont j'avais tendance à me méfier. J'avoue qu'Old Boy (sans le détester parce qu'il est malgré tout un thriller aussi captivant que cruel avec des moments qui déchirent...

le 30 juin 2022

67 j'aime

19

Decision to Leave
Procol-Harum
7

Vertigo in love

Après une brève incursion télévisuelle, avec la série britannique The Little Drummer Girl, Park Chan-Wook fait son retour sur grand écran et confirme le virage artistique entrepris avec Mademoiselle...

le 3 juil. 2022

39 j'aime

9

Du même critique

Yannick
Hugo_lesc
7

Rhinocéros

« Un théâtre où on ne rit pas est un théâtre dont on doit rire » Bertolt Brecht Dans une unité du cadre, Quentin Dupieux parvient à composer avec la mise en scène théâtrale toujours desservie par un...

le 7 août 2023

7 j'aime

3

Un vrai crime d'amour
Hugo_lesc
9

Ville à coeurs ouverts

Abordant de nombreuses problématiques qui habitent alors le cinéma italien des années 70, Luigi Comencini réalise ici l’une des plus grandes œuvres du cinéma post néoréalisme. Dans les années 70, les...

le 16 août 2023

5 j'aime

1

Barbie
Hugo_lesc
3

Lost in false dreams

L’immense publicité qui accompagnait la sortie du film de Greta Gerwig laissait déjà présager la réussite commerciale de son film. Casting cinq étoiles, de Margot Robbie à Will Ferrell en passant par...

le 20 août 2023

5 j'aime