Spectateur dans le brouillard,amoureux dans la brume.Police équipée de vibro&gant en cotte-de-maille

Quai des brumes en Corée....avec pupille de mort foulée par fourmi.

Série de remarques avec mini spoils qui seront un peu plus claires si vous avez vu le film où j'ai été tenu en haleine, car je pensais être dans une version de Gone girl ou la Veuve noire.

Sur la forme, le film m'a surtout fait me demander comment visuellement exprimer l'alchimie entre deux personnes?

Comment montrer des signes de leur alchimie?

Comment faire apparaître au spectateur ce cordon et cette tension entre deux personnages?

Car je retiendrai de tout le film sans doute d'abord une belle simple scène de rencontre, émouvante et romantique (romantique , alors que nous sommes à ce moment-là devant une poissonnerie, à la Ordralfabétix^^.)

Et je retiens aussi que si le film commence par des fourmis marchant sur des pupilles d'un mort, il

finit par un couple d'amoureux, l'un

marchant

sur l'autre..., devant un magnifique coucher de soleil.

Un 'détail' de position des corps qui semble un pied-de-nez au cliché romantique qu'est le coucher de soleil entre amoureux sur-la-plage-abandonnée. Les pieds dans le sable...

Ou un kamas(o)u(s)tra morbide.

Je crois ne pas avoir tout compris 100%, et ne pas être si fan de toute l'histoire,

mais j'ai bien vibré à des idées visuelles de mise en scène et son montage.

Montage qui me rappelle parfois un peu celui que j'avais aimé dans 'Hors d'atteinte' de Steven Soderbergh (notamment la scène au bar entre Lopez et Clooney, mélangées à des images de leur scène pourtant plus tardive dans la chambre).

Ici, ce Park Chan-Wook m'a par exemple magnifié cette scène d'habitude banale de 'shopping' où un couple en rencontre un autre, et pire, ça se passe devant des étales de poissons morts, dans une Halle couverte! Et ben, il me la rend presque aussi mémorable que mon 'In the Mood for Love' de Won Kar Wai.

Emouvant et romantique alors que nous sommes devant une poissonnerie!!

Quoique que le poisson semble ici très "frais" puisqu'il peut encore observer le couple penché au dessus de lui.

D'ailleurs ce plan très court du point du vue du poisson allongé, dont la vue est troublée par la glace fondante (01h18),

fait écho au plan du début du point de vue du mari allongé, dont la vue est aussi troublée mais par une fourmi lui marchant sur la pupille.

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Je me suis repassé cette scène de rencontre à la poissonnerie où en fait, ce Park Chan-Wook arrive juste par doux mouvements de caméras à isoler ces deux personnages des deux autres et surtout du lieu. On semble rentrer dans leurs champs de force. Dans leur intimité (Ce n'est pas un zoom grossier, mais une sorte de pas-de-côté de la caméra, qui se rapproche et semble mettre le pied dans le flux invisible entre les deux). Un peu comme quand on rentre dans la conversation entre Scatman Crothers et Danny Lloyd dans Shining alors qu'ils sont entourés d'autres personnes dans un grand hôtel.

Il recroise celle qu'il aime: puis le montage, la caméra et leur chorégraphie les isolent comme les deux dans Le Jardin des délices de Bosch.

********************

En autres détails et liste de remarques:

  • il y a une belle scène de ponton comme je les aime, où le policier n'abandonne pas des flip-flops pieds nus mais des protèges-chaussures bleus
  • des expressions du jeu de ce Park Hae-Il , m'ont ici parfois fait penser à Grégoire Colin
  • son mari a des envies de re-fumer, sa femme se précipite alors sur le téléphone pour demander à leur amie de "la racine de campanule séchée"????????????? ("fleur de ballon ou platycodon, originaire de Corée?" dit internet; remède à la clope?).
  • Cette actrice, Lee Jeong-hyeon, est quasi plus épatante que l'actrice 'principale', Tang Wei : j'ai aimé la rencontre entre concurrentes et l'allusion "aux moisissures" liées à la brume (le tout avec des sourires).
  • brume qui revient aussi dans la chanson qui obsède la vieille sénile qui se prend pour une enfant.
  • je n'ai pas compris si c'est important pour la compréhension et interprétation du film que la femme du policier travaille, elle, pour le nucléaire (sujet très débattu); en le revoyant j'ai enfin compris que le mari de la soupçonnée travaillait lui pour le contrôle de l'immigration (sujet encore plus débattu)...et cette info est clé car elle est Chinoise, faisait partie de clandestins et cette jeunette se retrouve au bras de ce bien plus vieux, qui lui a donc fait la cour...(un peu comme si un Maire demandait à une femme cherchant une aide et appartement, si elle voudrait bien sortir avec lui).
  • on apprend cette info quand le policier regarde sa dernière vidéo: 'je bosse assis à trier les migrants, ça me fait du bien d'aller à la montagne.'
  • encore un joli plan (35e minute) qui a été choisi pour qu'on voit une route en S (cette préférence visuelle me semble transgénérationnelle, transnationale et de tous les temps...peut-être un truc dans le cerveau?)
  • En autres détails, j'ai été surpris que les Policiers soient équipés de vibromasseur et gant en cotte-de-maille...: j'ai quand même aimé et trouvé que c'est un sacré exemple que le collègue de travail a une sorte d'énormissime vibromasseur dans la voiture de police...un équipement de base? (Serait-ce d'ailleurs pour cela que des interpellés en France finissent parfois avec le pantalon baissé?)
  • ...j'ai quand même aimé que lors d'une planque, sans que ce soit le moins du monde homo-érotique, le collègue policier masse les épaule de son collègue, comme si tout ça est parfaitement naturel et attendu et habituel...si on ajoute les plats à emporter de sushis de luxe livrés lors d'un interrogatoire puis la brosse à dent offerte à un suspect ou témoin, on est loin de L627 (et sa mini estafette casse-dos) ou de "la bière et du du sandwich" de Maigret.
  • les tentatives d'humour, même si noir, sont réussies: ils trouvent un cadavre au pied d'un pic de montagne, le boss n'attends pas l'hélicoptère et grimpe en rappel, son jeune collègue, la tête dans le vide, porté comme un sac-à-dos.
  • un énorme bonhomme est réputé donner d'énormes claques: il est surnommé "paf"
  • le policier décrit tous les insectes et leur ordre d'arrivée sur un cadavre: il le fait tout en cuisinant; les premières étant les mouches dorées qui pondent leurs oeufs dans le cadavre, et c'est à ce moment qu'il casse lui-même un oeuf frais dans un wok plein de viandes!
  • Shin-Young Kim est le partenaire admiratif et collant du policier dans sa deuxième vie, ville: je découvre ce Shin-Young Kim (qui me rappelle ici un mélange de Mireille Mathieu et Alice Belaidi dans Terrible Jungle) ...sa page wiki m'explique mon impression que c'est un élèment comique du film (son aura et vis comica): https://en.wikipedia.org/wiki/Kim_Shin-young
  • une fois encore, la dépression est visualisée par des méduses,comme chez Resnais (On connait la chanson): c'est lors de la scène où le couple fait face à un psychiatre pas très compétent qui suggère de prendre le soleil le matin, dans une région brumeuse...les matins. Il a derrière lui, un mur vidéo de méduses flottantes, comme lui.
  • ...moins 'éthique' est le choix de montage un peu lourdingue où ce couple au mari dépressif se reconstruit autour de la préparation de pomegranate, ils enlèvent les grains de ce fruit rouge...le mari étend son bras amoureux sur l'épaule de sa femme...c'est coupé par un autre bras s'allongeant mais pour donner des baffes.
  • celui qui frappe est cependant un très beau personnage; émouvant, où l'acteur a beaucoup plus à jouer que les autres: c'est celui qui a la tête de Michel Fau; son personnage est très en colère car le deuxième mari de la femme principale, est un escroc à la Madoff...il a ruiné des gens dont la mère de ce jeune homme très en colère...à l'enterrement de sa mère, il jette un homme dans le trou...lors de l'interrogatoire, il est comme Brad Pitt à la fin de Seven tenant l'arme, un mélange de colère et tristesse, d'un moment à l'autre, sur son visage. Seo Hyun-woo jouant Cheol-seong, surnommé 'paf' car il s'exprime à coup de baffes. Est un personnage clé car escroqué par la Finance arrogante.
  • Puis sa colère est instrumentalisée. ( ce détail me parait clé et symbolique!)

  • le générique de début commence par le nom d'une compagnie dont le logo est bleu, rouge, jaune et vert vifs, couleurs que l'on retrouve dans tous le film , lors de parfois de scènes qui m'ont poussé à prendre en photo l'écran: le policier sur son balcon, partage le plan avec au fond à l'horizon, la ville de Busan, qui ressemble à une guirlande de Noël bleu rouge verte, dans la brume...comme le vaisseau de Rencontre du 3e type.
  • Codes couleurs que l'on retrouve quand encore dans la brume, la voiture de police aux sirènes bleues et rouge poursuit une moto dont le casque est lumineux, rouge, clignotant et scintillant comme une méduses phosphorescente de fond des mers.
  • Jeux de mains, jeux de vilains: toute la première partie du film donne des clés sur leur amour par des plans sur leurs mains et effleurements...d'abord autour d'un long portable, puis au-dessus d'une table où ils partagent un repas puis l'essuient et enfin, carrément par prêt et application de crème hydratante.
  • un film qui rappelle qu'il n'y a pas d'amour sans petits gestes du quotidien réels pratiques et pas qu'en mot flottants, comme des méduses: celui qu'elle aime lui a confié en passant que dans son métier, le seul truc qu'il aime pas sont les bains de sang et l'odeur du sang...elle aura l'occasion de lui prouver son amour en étant très prévoyante et avenant à son égard, changeant une scène de crime avec littéralement un bain de sang dans une piscine, par une scène de crime sèche et sans sang. Une belle preuve d'amour... pour la St Valentin?
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    le 2 avr. 2023

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    PierreAmo

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