C’est quand on croit que le cinéma est mourant qu’il se remet sur pied

C’est quand on croit que le cinéma est mourant qu’il se remet sur pied. Tandis que les Vengeurs Deux sortent en salle et que L’Homme de Fer Trois passe en boucle sur Canal+, et que, subséquemment, nous nous blottissons au fond de la tranchée pour ne regarder que des séries (Mad Men-BreakingBad-Game of Thrones), Dear White People sort du bois. Et pas de n’importe quel bois : celui dont on fait Metropolitan, Damsels in Distress, Nola Darling n’en Fait qu’à sa Tête. C’est-à-dire le meilleur du cinéma Côte Est, Ivy League, qui nous a donné le Spike Lee des bons jours, et Whit Stillman tous les jours.


Dear White People, c’est un petit film qui n’a l’air de rien, une petite comédie de fac. Un sujet qui, traité autrement, pourrait tout aussi bien donner American Pie ou Social Network. Dear White People ne fait ni l’un ni l’autre, car c’est l’œuvre d’un cinéaste naissant : Justin Simien.


Le pitch, anecdotique, se résume en deux phrases. A Winchester, une fac collet monté de la Côte Est, la guerre raciale fait rage, même si elle se joue à fleurets mouchetés. D’un côté les blancs, sûrs d’eux-mêmes, de l’autre les noirs, tous riches, mais ségrégués quand même. Et au sein de cette communauté noire, la révolte gronde : les extrémistes communautaristes, menés par la séduisante activiste Samantha, qui lance brûlot sur brûlot dans son émission culte « Dear White People », une allusion aux « Dear Black People » de l’animateur radio ultraconservateur Rush Limabugh. De l’autre, le courant réformiste, piloté par Troy, le propre fils du Doyen mais aussi … l’amant de Sam.


L’essentiel est là : un Jules et Jim de comédie, où tous les personnages se piègent dans les stéréotypes où ils eux-mêmes se sont enfermés… Troy, le fils à papa Oreo (comme les fameux gâteaux : black à l’extérieur, blanc à l’intérieur), la révoltée métisse qui cache quelque chose derrière cette peau mulâtre. Car tout le monde en prend pour son grade, et pas seulement les blancs. Mais comme chez Spike Lee, Justin garde ses meilleures flèches pour sa propre communauté : derrière les mots tout n’est qu’affaire de prise de pouvoir. Simien dénonce les propres clivages internes, liés à la noirceur plus ou moins prononcée de la peau. Autre preuve que le racisme existe partout, même au sein de sa propre communauté, il y a toujours pire qu’un noir : un noir homosexuel.


Cerise sur le gâteau : Simien est aussi un grand styliste. Au mitan de Wes Anderson et de Whit Stillman, chaque plan de Dear White People est millimétré, au cadrage comme au rythme, pour obtenir l’effet comique attendu.


Justin Simien est un futur grand cinéaste.


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ludovico
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le 14 févr. 2016

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