Il y a bien longtemps, en des temps immémoriaux, nous vous prévoyions comment vous alliez détester Deadpool à sa sortie. Prenons les devants, et analysons les raisons de (certaines de) nos erreurs.


Il y a un côté lourd à la sortie de ce Deadpool. Objet de culte sombre soudainement poussé à la lumière comme le prochain contre-pied malin de l’écurie Marvel, la campagne marketing fait honneur au manque total de tact et de finesse de son personnage principal. Au point que c’en devient un peu dérangeant, tous ces tutoriels répétés pour bien faire comprendre au péquenot moyen qu’il n’a pas affaire à un vulgaire Captain America, mais bien à un produit alternatif sensé « pas faire pareil que les autres ».


Ryan Reynolds, lui, ne plaisante pas avec sa vanne. Voilà maintenant 10 ans que l’acteur à l’affect public aussi virevoltant qu’une boussole cassée dans le triangle des Bermudes planche sur un projet qui lui tient visiblement – dans le sens rétinien du terme – à cœur. Deadpool, c’est Ryan et Ryan, c’est Deadpool. Le comédien accepte volontiers la transposition des identités. De là à confondre totalement les deux à la ville comme au taf, il y a un grand pas que nous ne franchirons pas. En revanche, le gus a pris un malin plaisir à faire le con (presque) sans filets. Par extension, nous aussi.


Dans le mur en quatrième vitesse


La Fox a posé un postulat simple pour Deadpool à Tim Miller, le réalisateur du film, et sa troupe de scénaristes. Faites ce que vous souhaitez, parlez de qui vous voulez, de la manière que vous voulez, mais démerdez-vous avec un (relatif) petit budget : à peine 50 millions de dollars. Soit le prix d’Anthony Martial sans bonus, rappelle-t-on. De ce fait, comparé aux avalanches d’intrigues trans-universelles des derniers Avengers et, en règle générale, des DC et des Marvel à venir, Deadpool prend le chemin contraint de la simplicité.


La trame ? La vengeance face à un tortionnaire qui a défiguré notre pauvre Wade Wilson et lui a fait perdre l’amour de sa vie. Problème : en lui faisant marcher sur des Lego pied nus, Ajax (du nom controversé du propriétaire des pince-couilles à l’origine de la colère de notre héros) a accessoirement donné des réflexes surhumains à Wade et la capacité de soigner ses blessures plus rapidement qu’un médecin louche du FC Barcelone. Pas bien malin. Surtout lorsque Vanessa (Morena Baccarin), la dulcinée de notre héros n'a pas la langue dans sa poche et sait faire autre chose que de trouver la contorsion la plus proche pour mouler une combinaison en cuir - coucou, Scarlett Johansson.


A force d’être annoncé comme le super-héros qu’on attendait pas, Deadpool attaque forcément là où nous le rabâche finalement. A peine quelques secondes de plongée sur grand écran, et déjà, tous les éléments de la bande annonce se retrouvent. De l’action, entrecoupée de vannes, entrecoupées de clins d’œil au spectateur gros comme des budgets Disney. En vérité, l’introduction de Deadpool EST la bande annonce vue un peu partout depuis plusieurs mois. Le sentiment est forcément premièrement mitigé. Il ne faudra pas énormément de temps avant d’enfin tilter sur la procédure conventionnelle du film.


En Rouge et Noir


Forcément, difficile de rire une trentième fois face à des gimmicks vus et revus aux détours inconscients d’écrans de publicité intempestifs. Au fil des minutes, heureusement, les contours de Deadpool se dessinent enfin. Non, le fond comique n’ira pas plus loin que les bribes aperçues en montages promo. C’est du côté de leur forme, de leur teneur qu’il faudra aller chercher. Un peu à la manière d’un humoriste qu’on porte dans notre cœur, dont on connaît les tics de langage et la structure d’écriture sur le bout des doigts, ce sont moins les intonations qui font rire que l’application clinique de celles-ci sur diverses thématiques. Et des cibles ouvertes, c’est peu dire si Deadpool en voit clignoter devant ses petits yeux tout ronds.


Pour pousser le contre-pied jusqu’au bout, le scénario ne suit pas la linéarité de bon élève d’un Spider-Man ou, plus récemment, d’un Ant-Man mais se la joue auto reverse. C’est au détour d’un semblant de résolution que quelques flashbacks viennent éclairer le pourquoi du comment des origines de Deadpool. Une structure à reculons qui permet de garder un semblant de fraîcheur, même aussi léger soit-il, au long-métrage. L’art du changement devient presque une obsession pour les scénaristes, qui n’hésitent pas à détourner tous les codes possibles et imaginables de chaque milestone des films de super-héros pour y faire briller son représentant du moment. Simple et funky, grâce à l'apport comique malgré eux du géant benêt Colossus et d'une sidekick muette qui verse dans le Buster Keaton sans les grands gestes, "Negasonic Teenage Warhead" (Brianna Hildebrand).


Oublions un temps la convention structurelle de l’apprentissage par escalier des pouvoirs acquis. C’est en plein dans les quelques combats virevoltants et bien exécutes côté caméra que Ryan Reynolds débite quelques petites piques bien senties. Au choix, deux thèmes préférentiels : le scabreux d’un côté, l’univers Marvel de l’autre. Pour un premier film, difficile d’aller taper directement de l’autre côté du miroir. Du coup, les X-Men et l’univers Marvel en général se transforment en poupées vaudou destinées à faire réagir un public désormais acquis, de gré ou de force, à l’univers comics. Ce n’était peut être pas si bête d’attendre que les mastodontes de Marvel s’installent dans la conscience populaire pour sortir ce Deadpool. Les vannes glissent, justement parce qu’elles n’ont pas besoin d’être explicitées. Deadpool n’est pas forcément un bon produit en soi, mais le devient par le fruit d’un timing public contrôlé. Chez Disney, même le chaos se résout dans l’ordre.


Difficile d'aligner les arguments sur un film tel que Deadpool. Vendu comme une vanne, pensé, tourné et interprété comme tel, Tim Miller et Ryan Reynolds pondent sûrement un des produits les moins déceptifs du moment. Ceux qui veulent aimer aimeront, et inversement. Sans surprises dans sa conception mais indéniablement efficace durant son visionnage, Deadpool est de ces films sans véritable portée autre que leur propre petite existence. Mais ça, évidemment, Deadpool lui-même en joue, l'exagère. Car il en est conscient. Par définition.*


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Hype_Soul
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le 8 févr. 2016

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