Réalisateur virtuose, figure du Nouvel Hollywood, compagnon de route de Scorsese, Lucas ou Spielberg, héritier d'Alfred Hitchcock, cinéaste politique, découvreur de Robert De Niro, chantre du voyeurisme sur pellicule, la liste pourrait s'allonger presque indéfiniment, tant Brian De Palma s'inscrit, telle une évidence, comme l'un des grands noms du cinéma de ces cinquante dernières années. Auteurs de multiples chefs-d'œuvre, et autres longs-métrages incontournables, qui ont ouvert à la cinéphilie nombre de jeunes passionnés, le réalisateur de Pulsions revient au cours de ce documentaire éponyme, en un peu moins de deux heures, sur sa filmographie, de ses débuts de cinéaste indépendant, à sa place particulière dans le système hollywoodien à partir des 70's, jusqu'à sa nouvelle position d'électron libre depuis une dizaine d'années.


Tournée pendant une semaine au cours de l'année 2010, dans le salon de Jake Paltrow, cette série d'entretiens est, on l'aura compris, à conseiller en premier lieu aux aficionados de Brian De Palma tant le fond prime sur la forme. Leçon de cinéma illustrée par de nombreux extraits de ses œuvres, ce documentaire retrace chronologiquement comment ce jeune nerd provenant de la Columbia University fut happé par le cinéma après son passage au Sarah Lawrence College.


Disciple de Wilford Leach, avec qui il coréalisa son deuxième long-métrage, The Wedding Party (1969), Brian De Palma, contrairement à ce que pourrait laisser croire ses œuvres suivantes, démarra dans la comédie avec Murder à la mode (1968) jusqu'à Get to Know Your Rabbit (1972). Premier long-métrage produit par une major, cette expérience le fit diriger à la fois Orson Welles, et à l'instar de l'auteur de Citizen Kane, le fit aussi connaitre ses premières désillusions (ce qui lui inspira plus tard l'un des thèmes de Phantom of the Paradise en 1974).


Riche en anecdotes, comme celle du casting simultané de Star Wars et Carrie, Amy Irving étant pressentie pour jouer le rôle de la Princesse Leia, les mésaventures avec Al Pacino durant le tournage de L'impasse, son admiration pour Bernard Herrmann, et en prime la fin alternative de Snake Eyes, De Palma évoque, non sans humour, l'enfance et les « incidents » qui eurent un impact sur son cinéma (le voyeurisme) ou ses personnages (le jeune Peter Miller de Pulsions renvoie à la propre adolescence du réalisateur, quand, jeune féru de sciences, il espionnait son père infidèle).


Réalisateur indissociable de la technique, De Palma revient plus fois sur l'origine de son style visuel reconnaissable, de son utilisation du split screen, qu'il expérimenta une première fois avec le documentaire Dionysus in '69, et qui trouva sa pleine mesure dans le film suivant, Sœurs de sang (1972), ou celle de la steadicam, découverte sur Blow Out (1981), qui lui permit de devenir un des maîtres du plan-séquence. En guise de fil conducteur, le documentaire intègre plusieurs extraits de Sueurs froides, Fenêtre sur cour et La mort aux trousses afin de confirmer, au besoin, l'influence manifeste du cinéaste anglais, et d'affirmer, par la voix de Brian De Palma, l'héritage Hitchcockien poursuivit par le réalisateur depuis Sœurs de sang.


Loin d'être une hagiographie, le documentaire n'oublie pas de mentionner, en sus des tensions et des difficultés nées des impératifs commerciaux des grands studios, les erreurs et les malentendus aux quels lui et ses longs-métrages furent maintes fois la cible. De la bande des cinq (avec Francis Ford Coppola), le réalisateur de Body Double (1984) est, sans aucun doute, à son corps défendant, celui qui fut le plus marqué par la controverse, à l'image de sa supposée misogynie, et des violences faites aux femmes dans plusieurs de ses films. Coutumier des accueils contrastés, tant de la part de la critique que du grand public, de ses grands succès (Les incorruptibles, Mission impossible) à ses échecs commerciaux (Le Bûcher des vanités, Mission to Mars), De Palma souligne enfin la position unique, et l'espace de liberté, qu'ont pu avoir le cinéaste et la génération du Nouvel Hollywood au sein du système, en dépit de leurs fortunes diverses.


"My true wife is my movie, not you"


Recommandé.


http://www.therockyhorrorcriticshow.com/2018/06/de-palma-noah-baumbach-jake-paltrow-2015.html

Claire-Magenta
8
Écrit par

Créée

le 11 juin 2018

Critique lue 164 fois

1 j'aime

1 commentaire

Claire Magenta

Écrit par

Critique lue 164 fois

1
1

D'autres avis sur De Palma

De Palma
PierreAmo
9

Une jeunesse de tueur en série? Voyeur, "élevé dans le sang". +"Spielberg a filmé Scarface"...

_Juste une série d'infos "à la queue leu leu" (brouillon avril 2017,publié la 1e fois en décembre 2021) _Parfois on se demande d'où viennent des obsessions et thèmes chez certains auteurs...et ils...

le 11 avr. 2017

6 j'aime

De Palma
Fry3000
6

De Palma show

En ce moment je regarde beaucoup de documentaires, particulièrement sur le cinéma, et de tous ceux que j’ai pu voir à ce jour, celui-ci est de loin celui qui a dû coûter le moins cher : il est...

le 23 mars 2018

6 j'aime

2

De Palma
cinemusic
9

Palme de la franchise!

C'est un documentaire réalisé par Noa Baumbach(Frances Ha) et Jake Paltrow(Young ones). Ils reviennent sur toute la carrière du réalisateur,et même de son parcours puisqu'il raconte comment il est...

le 27 mars 2017

4 j'aime

5

Du même critique

Low
Claire-Magenta
10

En direct de RCA

— Si nous sommes réunis aujourd’hui messieurs, c’est pour répondre à une question, non moins cruciale, tout du moins déterminante quant à la crédibilité de notre établissement: comment va -t-on...

le 7 mai 2014

20 j'aime

8

Sextant
Claire-Magenta
9

Critique de Sextant par Claire Magenta

La règle générale voudrait qu'un artiste nouvellement signé sur un label, une major qui plus est, n'enregistre pas en guise de premier disque contractuel son album le plus expérimental. C'est...

le 28 juil. 2014

18 j'aime

Y aura t-il de la neige à Noël ?
Claire-Magenta
8

Critique de Y aura t-il de la neige à Noël ? par Claire Magenta

Prix Louis Delluc 1996, le premier film de Sandrine Veysset, Y'aura t'il de la neige à Noël ?, fit figure d'OFNI lors de sa sortie en décembre de la même année. Produit par Humbert Balsan, ce long...

le 19 déc. 2015

16 j'aime

1