Avant de s'atteler à la réalisation de son premier long-métrage, Spike Jonze avait déjà illuminé les yeux de bons nombres d'aficionados de Björk ou Fatboy Slim avec des clips riches et très intéressants d'un point de vue imaginaire. Le bonhomme distillait une sorte de magie, transcendant la musique en y insufflant un cadre assez amusant, ouvrant plusieurs portes sur des thèmes variés. Pour employer une locution moderne : "il envoyait du rêve".


Being John Malkovich est dans la lignée de ses clips, on trouve toujours ce côté décalé qui met de bonne humeur. L'imagination débordante de Jonze se retrouve dans des éléments minimales, mais qui gagnent en importance tout au long du film, en apportant une magie quasiment merveilleuse (bien qu'on reste dans un cadre très réaliste) : les plafonds bas, le trou permettant d'accéder aux yeux de Malkovich, les sempiternelles chutes à côté d'une autoroute et j'en passe. C'est une chose qu'on retrouve d'ailleurs dans Her : faire rêver avec des choses purement réelles. Jonze s'approprie des éléments classiques pour les modeler, les faire vivre (voir revivre).


Une certaine fascination s'installe alors. Nous sommes accrochés et vivifiés à et par un John Cusack en grande forme, incarnant un pauvre type pathétique et triste, qui se laisse envahir par ses passions. La passion d'est d'ailleurs le thème principal du long-métrage : comment aimer ? comment ne pas se laisser abattre quand l'amour n'est pas partagé ? comment rester soi-même quand les passions nous emportent loin, très loin ?
Spike Jonze ne répond pas à ses questions, il ne fait que nous montrer les choses telles qu'elles sont. C'est alors au spectateur de choisir (ou non). Il est impliqué dedans, de la même façon qu'il se retrouve à la place de John Malkovich. Son personnage pose d'ailleurs de nombreuses questions sur différents thèmes : la gloire, l'hypocrisie, la beauté etc. Le spectateur a la fabuleuse impression d'être, lui aussi, Malkovich, buvant avec lui, parlant avec lui, baisant avec lui. L'effet d'immersion est total. L'acteur chauve confirme son talent, faisant preuve d'humour et de coquetterie (quelle classe, tout de même !).


Il serait, je pense, futile de vouloir expliquer de long en large le film. Being John Malkovich se vit, se sent. Spike Jonze, à travers une mise en scène sobre et un côté déjanté qui parfait le tout, arrive à incorporer totalement le spectateur dans son oeuvre. De plus, il arrive à tenir en équilibre entre le comique et le drame. Chaque sourire cache une grimace de douleur, chaque rire cache un hurlement. Doit-on rire, ou pleurer ? La question reste ouverte.

Nikki
8
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le 5 déc. 2014

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