Dans la maison par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Germain est un professeur de français désespéré par le niveau de sa classe dans cette matière. II corrige des copies plus indigentes les unes que les autres. Il met en doute certaines réformes mises en place par son établissement. Jeanne, son épouse, compatit au désespoir de son mari en écoutant la lectures des différents devoirs de ces élèves qui se fichent éperdument des sujets proposés par leur professeur. Au milieu de ce fatras un texte surprend, c'est celui de Claude s'épanchant sur sa visite chez Rapha, son copain de classe. Dès lors Germain dont la curiosité est aiguisée va se rapprocher de cet élève et remettre en cause sa carrière.


Il convient un instant de se mettre à la place d'un prof de français dégoûté des méthodes d'enseignement communiquées par son supérieur d'autant plus qu'il n'en reçoit aucun répondant de la part de ses élèves. Un seul se détache, c'est ce fameux Claude. Ses exposés sont imaginatifs, ses descriptions sonnent juste et sa rédaction est riche. Ce gamin est si différent des autres qu'à la lecture de ses récits Jeanne est également intriguée. Quant à Germain il est vampirisé. Il ne voit que par Claude. Il le brusque peut-être un peu mais c'est pour suivre cette "œuvre", la voir se développer car l'enseignant est certain que Claude va dévoiler à travers ses textes ses états d'âme. Germain en demande alors toujours plus, l'élève n'y reste pas insensible. Il pense à son copain Rapha, nul en math et pousse son prof de français à commettre une énorme faute professionnelle, seule condition acceptable afin de poursuivre leur complicité. Claude s'enhardissant "s'infiltre" dans le foyer de Rapha afin de mieux décrire la vie de cette famille. Pour Germain plus rien d'autre ne compte. Les dés sont jetés. L'élève devient l'écrivain préféré de son professeur, voyeur par la force des choses.
Ainsi va la vie d'un enseignant désabusé par son métier, se sentant inutile, dominé par la désinvolture de ses élèves et de son supérieur. Un pôle d'intérêt surgit au milieu de ce marasme quotidien et c'est à ce moment qu'inconsciemment l'attirance s'exacerbe et que la vie est bouleversée. Claude ne serait-il pas un écrivain précoce et captivant ? Bref, Germain a découvert un trésor qu'il veut faire fructifier.


En regardant ce film on peut se demander jusqu'où veut nous emmener François Ozon tant il nous surprend dans sa démarche. Je dois avouer qu'il est difficile de ne pas succomber à ce sujet complètement inattendu dont les personnages envoûtants nous manipulent tout au long de cette œuvre qui va de rebondissements en rebondissements. Personnellement, je suis resté sous l'emprise de cette mystérieuse histoire dans laquelle le réalisateur manie à merveille ce drame emprunt parfois d'un certain humour tout en restant à la limite du thriller. Nous devenons nous-mêmes les complices de ce voyeurisme imposé par les personnages et, comme eux, nous sommes avides d'en connaître toujours un peu plus sur l'environnement que l'élève nous égraine tout au long du film.
Je ne vais pas revenir sur l'originalité, l'intérêt et la réalisation de l'œuvre qui sont indéniables. Ce film est servi par une brillante interprétation mettant en lumière les personnages ambigus que sont Germain et Claude incarnés par Fabrice Luchini égal à lui-même et Ernst Umhauer qui est la jeune révélation de ce film et qui ne cesse de nous mener par le bout du nez. Je veux également citer Kristin Scott Thomas, Jeanne l'épouse de Germain, plongée dans le sauvetage de sa galerie d'art contemporain et intriguée par le comportement de son mari pour l'intérêt qu'il porte à ce curieux petit inquisiteur.


Il est difficile de s'ennuyer avec ce film curieux dont on savoure l'intrigue avec délectation, avec l'envie, comme Germain, d'en savoir toujours un peu plus sur la vie quotidienne et parfois intime des personnages.


Note: 8/10

Grard-Rocher
8
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le 15 avr. 2017

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