Sous l'ange pur se cache un démon sophistiqué. Elle est souvent désignée comme un être venu d'ailleurs, presque naturel, mystique, mi-oisillon blessé mi-diablotin. J'imagine très bien ce qui a pu pousser Von Trier à solliciter Björk. Il sait qu'elle sort des codes conventionnels et que son innocence revendiquée est tout ce qu'il cherche pour l'ébrécher.

Récompensée au festival de cannes, Björk revêt le rôle d'une ouvrière qui accepte peu à peu sa cécité mais qui la refuse pour son fils. Elle, tout ce dont elle a besoin, se trouve dans son conte de fée intime, une armure, que dis-je une cathédrale. Cela pourrait ressembler à un mélodrame larmoyant mais justement il l'évite en le rendant autrement éprouvant. Positivement éprouvant. Durement et sèchement.

Cela est du, entre autre, à la présence de comédies musicales, insérées spontanément dans le film, que l'on sent poindre avec justesse.

Il n'y a plus de honte à aimer les comédies musicales puisqu'ici le chemin est clairement d'avant-garde (comprenez que Von Trier ne cherche aucune adhésion de votre part et s'en moque ; il ne veut surtout pas que vous chantiez à tue-tête des banalités dramatiques ; et si vous pouviez souffrir, c'est encore mieux).

Je pense d'ailleurs que le film a été justement construit autour des chansons de Selma, un peu comme une musique écrite avant de découvrir le texte. Et que c'est pour cela qu'elles ont autant de sens, à des moments-clés du film. C'est grâce à ce monde intime, dévoilé, illusionné puis désillusionné que notre empathie l'accompagnera jusqu'à la rupture brutale de cette empathie.

Passionnel, Breaking the Waves l'était aussi, mais Dancer in the Dark fait parfois doublon, un doublon résolument pessimiste qui plus est. Il est juste passé... après. Ceux qui voient Dancer in the dark sans passer par Breaking the waves pourront sans doute avoir un regard plus neuf.

Enfin, je salue la démarche technique innovante pour ce film : la séquence du clip ferroviaire est dans les annales et elle est symbole d'une focalisation pathologique, un trop-plein qui soudain semble être décompensé dans cet espace qu'on ne reverra plus.

https://www.youtube.com/watch?v=mYivxX7KjC0

(NB : Cette critique date de 2000, c'est l'une de mes premières)
Andy-Capet
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Créée

le 23 nov. 2012

Modifiée

le 4 mars 2013

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Andy Capet

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