Il faut bien avouer qu'un long-métrage sur l'inceste, doublé de pédophilie, a tout pour faire fuir. Ben oui, on voit arriver à des kilomètres le tire-larmes bien misérabiliste, usant chaque seconde de son temps pour bien pourrir jusqu'au bout le moral. Alors, ce n'est pas du tout le cas, car en dépit de l'horreur du sujet (et que ce soit bien clair par rapport à ce que je vais écrire par la suite, l'ensemble n'essaye jamais d'en diminuer la gravité !), Dalva est un film plein de vie, dans lequel la violence et la tendresse se côtoient, le tout parsemé de quelques touches d'humour venant naturellement, du fait de situations, de réactions, de personnages sonnant juste. La maîtrise de la mise en scène fait le reste.


D'ailleurs, la toute première séquence symbolise la qualité globale de l'œuvre par la manière intelligente dont elle est conçue. L'action débute in medias res lorsque la protagoniste de notre histoire se débat avec la police et les services sociaux, quand ces derniers viennent la chercher, la caméra scotchée sur elle, dans un noir quasi complet, dans la confusion, durant l'arrestation de son père. Celui qui n'a rien lu du synopsis avant d'aller voir le film se dit que c'est dégueulasse de séparer aussi brutalement un parent et sa fille ainsi, sans l'apparence d'une raison. Même le spectateur, au courant de quoi il en retourne réellement, comprend pourquoi la jeune adolescente se rebelle aussi virulemment.


Tout est fait pour que l'on saisisse, sans que rien soit appuyé, sans qu'on vous l'écrase sur la gueule parce que vous seriez trop con pour comprendre, uniquement à travers ce qui est montré et entendu, le cheminement psychologique d'une gamine ayant vécu dans l'idée qu'être violée par son géniteur était une chose normale (je crois que c'est la suite de mots que j'ai eue le plus de mal à écrire dans une critique de toute ma vie... c'est à peine si je n'ai pas envie de gerber !) parce que cet être abject a profité de son ignorance et de son innocence pour commettre l'acte le plus ignoble qui soit.


La victime traverse les inévitables phases du déni, de la rébellion, du marchandage, de la remise en question et, finalement, de l'acceptation. Évidemment que ces phases peuvent souvent se heurter, se bousculer. Et la révélation passe par le comportement ainsi que les paroles des autres, mais aussi, bien sûr, par la sensibilité, l'intuition de la principale concernée. Il est à noter aussi que les costumes, les accessoires sont utilisés habilement pour mettre en avant son état d'esprit du moment.


Quand un générique de fin s'affiche et que l'on ressent le regret d'être obligé de quitter un personnage, c'est généralement le signe que le film en question est réussi. L'acceptation de l'héroïne apparaît en plein jour. Je l'aurais bien accompagnée pendant sa reconstruction (enfin une reconstruction avec les grandes limites d'un lourd traumatisme qui sera permanent !).


Dalva est le premier long-métrage de la réalisatrice Emmanuelle Nicot. Et on ne peut pas dire qu'elle a attendu longtemps pour manifester le fait qu'elle a du talent à revendre. Parvenir à injecter autant de subtilité et de vérité dans le traitement d'un thème d'une gravité aussi extrême, il faut le faire. Quant aux interprètes, ils sont tous parfaits. Mention spéciale à Zelda Samson qui, dans le rôle-titre, illumine par son charisme et sa photogénie chaque instant.



Plume231
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le 24 mars 2023

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Plume231

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