Eva Green irradie la pellicule dans l'histoire très méta de cette auteure en surmenage et son double fantasmé. Un thriller inégal où cohabitent finesse d'écriture et lourdeur de mise en scène.


D'après une histoire vraie s'ouvre d'entrée de jeu sur une Emmanuelle Seigner en séance de dédicaces et au bout du rouleau, déversoir malgré elle des confidences de ses fans en plein transfert psychologique. Roman Polanski livre probablement un peu de lui-même dans cette adaptation du roman autobiographique de Delphine de Vigan qui va jusqu'à prêter son prénom à son héroïne. On y retrouve la schizophrénie de l'auteur à succès, isolé dans la foule des fans, sujet aux louanges comme aux cruautés du public, jusqu'à cette charge assez lourde (de sens) contre les "calomnies" rapportées sur les réseaux sociaux. Difficile de ne pas y voir, en filigrane, une catharsis pour le cinéaste toujours aussi controversé pour ses déboires avec la justice.


Roman Polanski aime décidément les mises en abyme, avec lesquelles il s'amusait déjà sur les planches dans La venus à la fourrure. Alors que son acteur Mathieu Amalric se prête aussi au jeu et se filme en réalisateur dans Barbara, Polanski multiplie les jeux de miroirs entre l'auteure Delphine et son double "Elle", entre le dialogue et l'intrigue, entre son film et la réalité.


Parfois, ces dialogues frôlent le kitsch sans jamais franchir la frontière du mauvais goût, et on ne sait plus trop si les clins d'œil appuyés disséminés dans la mise en scène nous prennent pour des dindons ou créent une connivence avec une audience qui ne serait pas dupe. D'après une histoire vraie tient plus de Misery ou Swimming-Pool que du thriller hitchockien, avec ses héroïnes en tension, sa défiance paranoïaque, ses moments de ridicule un peu désuets et enfin une bande originale signée Alexandre Deplat qui est décidément sur tous les fronts.


Reste une réflexion sur la représentation fantasmée de notre propre identité et la quête de l'œuvre ultime, celle qui reflète la nature profonde de son auteur, quitte à y perdre son âme.

Filmosaure
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le 29 mai 2017

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