"Les hommes naissent d'accidents, vivent de maladies et meurent de rencontres" (Jean-Paul Sartre).


Réévaluation à la hausse pour un film que je n'avais guère apprécié lors de mon premier visionnage, objet formel à la beauté aussi certaine que glaciale. Oeuvre théorique, sciemment cérébrale voire malade et névrotique Crash de David Cronenberg nous entraîne dans un voyage mental mêlé de chair, de mécanique et de pulsions scopiques ; clairement situé entre deux eaux ce polar érotique aux allures de porno soft et malaisant accumule à sa guise toutes formes et toutes sortes de frustrations : le réalisateur y perpétue ses accès déviants et son goût prononcé pour le bizarre, tenant ses sujets à distance comme pour un sidérant supplice de Tantale interactif.


Porté par un casting de haut prestige ( Deborah Kara Unger parfaite en égérie froide, Elias Koteas impérial en fétichiste morbide...) Crash suggère l'idée consistant à affirmer que la technologie pourrait être le chaînon manquant idéal entre l'embrasement des sens et la beauté post-mortem. Cronenberg nous amène, de ce point de vue, vers son futur eXistenZ, salmigondis cyber-punk explorant à son tour les pulsions sexuelles liées à la fusion des chairs et des entités grises... Jouant de ses métaphores suggestives et crispantes Crash bénéficie en outre d'une atmosphère unique et d'un style visuel particulièrement chiadé ( montage au cordeau, photographie proche de la gravure sur papier glacé, musique métallique de Howard Shore ), rappelant notamment certains sommets du cinéma de David Lynch ( Blue Velvet un peu, Lost Highway énormément ) tout en s'amusant avec tout un pan de la mythologie hollywoodienne...


Un film froidement glamour, tour à tour conceptuel et paradoxalement sensoriel, dont la violence perverse présage à chaque instant un terrifiant passage à l'acte... On retrouve dans Crash les plaies béantes de Videodrome et du Festin Nu et l'incessante dualité entre la chair et l'esprit, deux thématiques traversant le Cinéma à la fois trouble et organique de David Cronenberg. Un film énigmatique à revoir impérativement pour mieux en savourer la profondeur...

stebbins
8
Écrit par

Créée

le 8 juil. 2020

Critique lue 179 fois

5 j'aime

stebbins

Écrit par

Critique lue 179 fois

5

D'autres avis sur Crash

Crash
S_Plissken
10

Critique de Crash par S_Plissken

Victimes d'un accident de la route les personnages joués par James Spader et Holly Hunter vont basculer dans un monde différent et voient leur conception de ce monde modifiée. Crash est la somme de...

le 26 oct. 2010

49 j'aime

8

Crash
Velvetman
10

A corps perdus sur le bitume

L’emblématique et sulfureux Crash de David Cronenberg passe de nouveau dans nos salles de cinéma, dans sa version restaurée. Pour notre plus grand plaisir. Crash est l’adaptation du roman homonyme de...

le 8 mai 2015

47 j'aime

6

Crash
EleanorR
2

Allez, force toi, reste jusqu'à la fin du film !

Je mets un 2 vraiment parce que c'est Cronenberg ! Alors que dire mis à part pourquoi ???? Tous les ingrédients étaient là mais rien ne fonctionne... les personnages sont trop déshumanisés pour...

le 30 mai 2012

34 j'aime

1

Du même critique

La Prisonnière du désert
stebbins
4

Retour au foyer

Précédé de sa réputation de grand classique du western américain La Prisonnière du désert m'a pourtant quasiment laissé de marbre voire pas mal agacé sur la longueur. Vanté par la critique et les...

le 21 août 2016

42 j'aime

9

Hold-Up
stebbins
1

Sicko-logique(s) : pansez unique !

Immense sentiment de paradoxe face à cet étrange objet médiatique prenant la forme d'un documentaire pullulant d'intervenants aux intentions et aux discours plus ou moins douteux et/ou fumeux... Sur...

le 14 nov. 2020

38 j'aime

50

Mascarade
stebbins
8

La baise des gens

Nice ou l'enfer du jeu de l'amour-propre et du narcissisme... Bedos troque ses bons mots tout en surface pour un cynisme inédit et totalement écoeurrant, livrant avec cette Mascarade son meilleur...

le 4 nov. 2022

26 j'aime

5