Des contre-vérités qui font mal

Cowspiracy c'est le documentaire du véganisme, de l'anti-élevage, c'est l'étendard du combat de L214 et de toute une armée de militants. Il faut le dire, sur ce point du militantisme, le documentaire est réussi. Il arrive à faire passer l'idée que la viande et les produits venant du bétail ont une conséquence néfaste sur l'environnement. Comment le nier ? On ne peut pas le nier. C'est la réalité.
Si on s'arrête là, alors Cowspiracy est un excellent documentaire.

Mais si on allait plus loin ? C'est bien de remettre l'exploitation animale en cause, que le sujet devienne un sujet de société, encore plus en 2017 qu'en 2014, mais encore faut-il le faire de manière intelligente et réfléchit.

Cowspiracy est capable de sortir de nombreux chiffres intéressants, de nombreuses problématiques pertinentes (le silence des ONG Ecologistes notamment) tout en nous abreuvant de contre vérités sur l'élevage en plein air. Elle est assez incroyable cette visite d'ailleurs, il y va avec tellement de certitude, il pose un jugement plein de cynisme et de condescendance sur ces gens...A aucun moment, il va voir ses personnes pour apprendre des choses, il y va pour limite les humilier "Regardes, tu crois bien faire mais en fait t'es une grosse merde".

Cowspiracy ne voit pas (jamais ?) l'impact positif que peuvent avoir certains types d'élevage.

Il est difficile aussi d'entendre que des plaines aujourd'hui dédiées au fourrage feraient des champs pour la production végétale. On est plus dans le raccourci simpliste, on est carrément dans la contre-vérité la plus totale.
L'orientation du documentaire ne cherche jamais à contre-balancer sa propre hypothèse de départ. Tout est fait pour prouver l'idée de base. C'est à la fois anti-scientifique et surtout, cela empêche toute volonté de réflexion critique. Et finalement on en ressort, pas grandit, mais au même stade qu'au départ.

Critiquer l'élevage en soi, est c'est ce que fait le documentaire, n'est pas une problématique écologique, c'est une problématique idéologique. Cela tient de l'antispécisme et d'une volonté d'abolitionnisme de l'exploitation animale (voir le combat de 269Life sur le sujet).
Questionner les différents types d'élevage, questionner nos modes de consommation, là, on est dans des problématiques écologiques. Peut-on réellement traiter de la même manière la production bovine et laitière intensive et industrielle à l'exploitation familiale ? Peut-on vraiment mettre sur le même plan tous les types d'élevage ? Je ne le crois. On pourrait très bien faire le même reportage dans le sens contraire avec des raccourcis tout aussi débile et simpliste : regardez cet éleveur de porc corse avec ses 20 cochons dans la forêt contre le vegan mangeant son steak de soja Bjorg ? Qui pollue le plus là ? (cliché)

De nombreuses affirmations sont véritablement trop simplistes et les raccourcis réalisés par ce documentaire couplé à l'accueil formidable de la critique, montre, selon moi, toute la méconnaissance du public vis-à-vis de l'élevage. Ce que Cowspiracy aurait du dénoncer, c'est l'agriculture intensive, polluante, l'agriculture à bas coup où l'animal n'est plus un animal mais un numéro. Ce que Cowspiracy aurait du valoriser, ou au moins traiter à sa juste valeur, c'est le consom'acteurs, c'est le consommateur citoyen, ce sont tous ces agriculteurs, éleveurs qui chaque jour font leur job et non des scientifiques enfermés dans leur bureau et leur tour d'ivoire a faire des prédictions sur la base de chiffre.

Il a une vision idéaliste du véganisme comme si végétaliser son alimentation était nécessairement plus "durable". C'est comme Bio C Bon qui valorise le Bio mais utilise plus de pesticides que le conventionnel. Le bien, le mal, tout n'est pas fait de dualité. Tout ça pour dire qu'il tombe dans l'écueil de la facilitié : l'élevage pollue, alors mangeons végétal. Comme si un problème n'avait qu'une source et qu'une seule solution...Si la biodiversité était aussi simpliste, le problème du réchauffement climatique n'existerait pas.

Il tombe aussi dans l'écueil du "Regardez, il est vegan et il est encore en vie à 65 ans"...Merci Kip...Vraiment. Un argumentaire à la Philip Morris et digne de Jack Daniels.

Finalement, si Cowspiracy est pour moi un documentaire très moyen, je pense qu'il a permis, au même titre qu'Une Vérité qui Dérange, d'ouvrir une fenêtre vers la réflexion sur notre agriculture. C'est un précurseur (loin d'être parfait) qui aura permis à ce débat d'exister et à questionner de manière profonde notre mode de vie. Dommages finalement qu'il le fasse dans le but de vendre une idéologie. Ce "prosélytisme" qui se renforce au fil du documentaire dessert totalement le propos et nous fait dire que le gars ne cherche plus à être pédagogue mais à nous évangéliser.