Coup de Cœur est un film majeur dans l’histoire du cinéma, pour un motif certes peu valorisant, mais tout de même de grand intérêt. Au sommet du 7è art, le génie patriarche qu’est Coppola peut tout se permettre : il a non seulement brossé les oscars dans le sens du poil avec les Parrain, mais prouvé que l’audace formelle et narrative de Conversation Secrete et Apocalypse Now fait de lui un génie.
Du haut de sa tour d’ivoire, il imagine le plan mégalo ultime : un film aux moyens formels colossaux pour un scénario à l’ambition exactement opposé, soit une bluette sur un couple se séparant dans un Las Vegas de carton-pâte pour une nuit d’errance extraconjugale colorée, avant le retour au bercail.
Coppola, bien décidé à se ruiner à nouveau, trouve de nouveaux mobiles : loin des maladies et des tempêtes tropicales des Philippines, il imagine comment dilapider sa fortune en studio, reconstruit une rue entière de Vegas et met au point le Live Cinema : soit, sur le modèle des retransmissions télévisées en direct, la mise en boite simultanée de plusieurs caméras des scènes qu’il contrôle depuis une régie. Bien entendu, ça ne marche pas vraiment et tous ses techniciens, chefs op et cadreurs deviennent dingues. S’en suit un bourbier et un allongement considérable du tournage.
Le résultat est hallucinant. Ultra formaliste, le film exhibe à chaque séquence le travail qui l’a vu naitre : la lumière, les couleurs, le mouvement des caméras, la profondeur de champ, la superposition… Master class d’une heure quarante, hommage aux comédies musicales les plus ambitieuses (on pense notamment à la séquence finale de Chantons sous la Pluie) et radical dans ses intentions plastique, cette œuvre ne peut qu’être celle d’un grand réalisateur… ou d’un étudiant de génie désireux de faire éclater à la face du monde son immense maitrise de l’image.

Seulement voilà. Dans Chantons sous la pluie, rappelons-nous que le final flamboyant succède à de purs moments de comédie et de mélos. Qu’il y a de véritables personnages, une idée d’intrigue. Ici, l’ineptie abyssale de l’argument est confondante. Les dialogues, les disputes, la musique (parce que Coppola, non content de se fourvoyer, entraine un autre génie dans son sillage, j’ai nommé Tom Waits qui s’acoquine avec le jazz d’un bar lounge pour cadre sup des 80’s) tout est abominable, inexcusable de maigreur et de mièvrerie.

Ratage virtuose, film aveuglé, obèse et rachitique, One from the heart est bien un jalon dans l’histoire du 7ème art : seul un génie pouvait se permettre de commettre de telles erreurs.
Sergent_Pepper
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le 30 nov. 2013

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