Il est sûrement difficile de se couper l'herbe sous le pied même si on aurait aimé plus de suite dans les idées, de verve dans les dialogues et justement de créativité, que ce trio en prise avec les affres de la reconnaissance aux saynettes répétitives, accumulant à chaque situation sont lot de moqueries et de scènes attendues, pas toutes comiques.

Duprat et Cohn s'amusent en tout cas. Tout autant de leur milieu, que de révéler les difficultés humaines à tout travail artistique pour l'aspect concret, si ce n'est dramatique.

Les délais de l'industrie du cinéma, les répétitions, les retards, les crises d'égo et les exercices de travail dictatoriaux d'une metteur en scène échevelée (Pénélope Cruz) sans une once d'ouverture d'esprit, sapant les élans dynamiques et volontaires de ses deux acteurs.

Lola, cinéaste aveuglée par sa popularité, n'hésitera pas à se vendre pour un film digne des meilleurs soap espagnols. On regrette alors que la liste aqueuse de ses grandes œuvres précédentes qui nous laissait présager du meilleur décalage à venir : La pluie inversée ou Brume ne soit pas utilisée dans l'intrigue. On regrette aussi la tentative avortée d'englober tout un pan de notre société vaniteuse et incompétente par le producteur du film, souhaitant laisser sa marque pour un film digne de l'ultime récompense, qui n'en reste qu'au stade de la représentation. Et on regrette bien sûr aujourd'hui, le manque de liberté des cinéastes avec une Lola encore une fois lesbienne (Madres paralelas) mais qui répondra peut-être à l'ironie du sujet des auteurs réduits aux cahiers des charges. On pense encore à Almodovar et à ses inserts artistiques, mais avec bien moins d'accroche, de percutant ou de couleur -si ce n'est le slip jaune éclatant et la furieuse chorégraphie de la danseuse, venue séduire Lola le temps d'un apéro-. On appréciera les divers et encore chouettes coordonnés vestimentaires pour le clin d'œil aux défilés de mode du tapis rouge certainement.

Et ce sera évidemment un conflit masculin ramené sur le tournage pour deux vedettes à l'approche différente de leur métier. On ne sera pas surpris que l'acteur de théâtre, au sérieux avéré, soit celui qui aura bien du mal avec l'humilité. Oscar Martinez et Antonio Banderas sont parfaits dans la technique du phrasé et des émotions qui vont avec, rivalisant de manipulation et d'hypocrisie. Et on note, en passant, la belle scène tout en regard de Lola qui rivalise de ruse à mener à bien son projet, malmenée par la guerre des deux acteurs à forte tendance patriarcale.

Se rajoute à l'aspect bancal de l'ensemble, un pré final loupé avec cet accident qui n'empêchera personne de récolter les lauriers quoiqu'il en coûte, mais lorsque l'on nous rappelle à notre faculté à regarder tout et n'importe quoi, on leur renverra la pareille pour cette lapalissade, nous rappelant que le cinéma n'est pas toujours synonyme de message plus ou moins opaque, mais à laisser aux spectateurs la primeur de leur ressentis. Merci.

Quelques scènes sont alors plaisantes mais sans jamais aller au bout du portrait que l'on aurait aimé plus cinglant. Un exercice un peu vain pour un tout petit pied-de-nez au milieu du cinéma.

limma
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le 5 août 2022

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