Ce voyage en train en Russie d'une finlandaise curieuse de peintures rupestres déroule une intrigue assez lente, plutôt sympa mais prévisible et surtout coche toutes les cases du film de festival qui veut être primé ( et réussit à l'être, Grand prix à Cannes). Toutes ? Vraiment ? Pas certain ...
"Compartiment n°6" se déroule comme on peut le comprendre à bord d'un train allant de Moscou à Mourmansk ( proche de la frontière finlandaise). Voyage exotique pour nous et qui consolide tous les clichés que l'on a sur la Russie. On aura donc droit aux litres d'alcool ingurgités, aux gros cornichons en pot, à la babouchka, à la solide contrôleuse peu aimable ( mais incorruptible), au caviar et même au mauvais champagne ( sans doute local). Pas certain que l'office de tourisme russe ait sponsorisé le film car, un grain d'image assez prononcé renforce le côté triste voire sinistre et sale du pays.
Cependant, se déroule une histoire vieille comme le monde : ils n'ont rien en commun, le premier regard échangé confirmera qu'ils se détestent d'emblée mais, apprendront à se découvrir petit à petit à s'apprivoiser, à s'aimer ( ai-je vraiment spoilé la fin de ce film si prévisible?). Le film prend donc les rails d'une histoire humaniste, alliant rapprochement des classes sociales et beauté de la naissance d'un amour. C'est filmé presque comme un documentaire mais avec de jolies scènes de comédie attrapant des moments d'une grande sensibilité où l'on peut lire sur les visages les petits changements en train de s'opérer dans la tête des protagonistes. Ce n'est pas novateur, ni original, mais peut toucher par moments.
Revers de la médaille, le film n'avance pas très vite, sans doute au rythme de ce train qui s'arrête très longuement dans les gares desservies. Et du coup on a le temps de laisser l'esprit gamberger et de ce demander si ce film, dans lequel le ministère de la culture russe a injecté quelques sous, n'est pas, insidieusement, un film de propagande, une sorte de double thérapie de conversion qui ne dit pas son nom. La lesbienne européenne ramenée dans le droit chemin sexuel et politique par un rude, courageux et viril russe ... Et ce n'est pas la dernière scène, à double , voire triple, lecture qui permet d'effacer ce doute...
Alors "Voyage, Voyage" ( Desireless, décidément une chanson que l'on retrouve beaucoup dans les B O des films en ce moment ) mais dans quel pays ? Celui des films arts et essais formatés assez moches et lents pour plaire aux jurys esthètes des festivals ? Ou celui d'un pays essayant de préserver des archaïsmes d'un autre âge ? "Compartiment n°6" balance entre les deux et c'est dommage.
sansconnivence.blogspot.com

pilyen
4
Écrit par

Créée

le 9 nov. 2021

Critique lue 2.3K fois

12 j'aime

1 commentaire

pilyen

Écrit par

Critique lue 2.3K fois

12
1

D'autres avis sur Compartiment n°6

Compartiment n°6
Alicia_87
8

Résilience polaire

C'est par un après-midi ensoleillé de septembre que l’édition 2021 du festival du cinéma américain de Deauville proposait de prendre place dans le Compartiment N°6 du train moscovite, en direction...

le 19 sept. 2021

34 j'aime

7

Compartiment n°6
takeshi29
7

Drive My Train

"Drive My Car" vs "Compartiment N°6" Si le cousinage n'est pas palpable dans un premier temps il s'impose pourtant petit à petit de manière évidente tant ces deux films distingués cette année à...

le 6 nov. 2021

30 j'aime

4

Compartiment n°6
pilyen
4

Thérapie de conversion sentimentale

Ce voyage en train en Russie d'une finlandaise curieuse de peintures rupestres déroule une intrigue assez lente, plutôt sympa mais prévisible et surtout coche toutes les cases du film de festival qui...

le 9 nov. 2021

12 j'aime

1

Du même critique

Habibi
pilyen
4

Bibi n'a pas aimé

Il y a des jours où j'ai honte, honte d'être incapable d'apprécier ce qui est considéré comme un chef d'oeuvre par le commun des mortels. A commencer par mon libraire spécialisé BD qui m'a remis...

le 31 déc. 2011

34 j'aime

7

Grand Central
pilyen
3

Grand navet

J'ai vu le chef d'oeuvre de la semaine selon les critiques. Hé bien, ils se sont trompés, c'est un navet et un beau ! Cette fois-ci, ils ont poussé le bouchon tellement loin qu'ils risquent d'être...

le 28 août 2013

25 j'aime

18

Les Fantômes d'Ismaël
pilyen
3

Parlez-vous le Desplechin ?

Je le dis d'emblée, je n'ai jamais été fan du cinéma de Mr Desplechin. "Les fantômes d'Ismaël" confirment que je ne parle pas et ne parlerai jamais le "Desplechin" comme se plaît à dire le...

le 18 mai 2017

24 j'aime

1