Cold Fish, avec son postulat on ne peut plus banal, est passionnant à bien des niveaux. Parvenant à trouver une esthétique magnifique au milieu des aquariums qui font toujours rêver quand on passe dans les rayons, trouvant un petit parallèle social au cours des séquences d’alimentation des bestioles, Cold Fish est un film féroce sur les relations sociales à plusieurs niveaux, essentiellement dans le cadre de la famille et du travail. En façonnant un protagoniste banal et sans consistance, le film parvient à capter toutes les concessions qu’il fait devant la générosité obscène de son bienfaiteur, chef d’entreprise agressif et extraverti qui ne renonce jamais à ses objectifs. En parvenant à fixer la honte de recevoir une aide évidente et peu discrète, puis le renoncement personnel à ses propres principes pour « honorer la dette », le film parvient intelligemment à parler d’exploitation sociale. C’est alors que le film bascule dans l’ultra-violence, lors de l’exécution d’un des investisseurs dans l’importation d’un poisson exotique rare. Avec une scène de débitage du cadavre suffisamment démonstrative, on commence à comprendre dans quoi on a mis les pieds. Le film prend alors une tournure bien sombre, puisque la passivité de notre héros entraîne des réactions de plus en plus agressives de la part de son employeur. C’est un film de pétage de câble à retardement, typique des Chiens de Paille donc, en suivant toutefois un parcours différent. A ce jeu, le film s’offre plusieurs séquences de cinéma, comme un tabassage de notre personnage principale avec remise en cause de virilité, les conversations cyniques du patron et de sa femme pendant qu’ils débitent les corps… Un menu costaud qui culmine en apothéose de violence comme on n’en attendait pas. Par rapport au modèle de Peckinpah, on peut toutefois noter l’usage d’un humour discret qui sert remarquablement bien la narration, en rajoutant une petite dose de cruauté dans les séquences où il apparaît (c’est souvent au cours des séquences violentes, où l’excès de la mise en scène vient introduire un décalage comique qui tranche avec le sérieux radical de la situation). Hors de question de spoiler la fin, elle conclut avec sérieux ce solide projet cinématographique. En y rajoutant une ambiance glauque à souhait (un quotidien constamment étouffant) et une photographie éblouissante (bon sang, tous ces poissons…), Cold Fish a tous les arguments pour convaincre les cinéphiles de bon goût, et se range dans une catégorie entre l’œuvre de Peckinpah et Visitor Q (j’insiste, Mike pétait un câble, mais ne faisait que développer à l’excès les relations à la violence de ses protagonistes). Une sacrée claque qui donne envie d’en découvrir bien davantage dans le cinéma de Sono Sion.
Voracinéphile
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le 5 mars 2014

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