
Deux enfants courent dans les champs, la caméra est en apesanteur au milieu des cris de joie et souvenirs idyliques - presque inventés - qui se fixent sans mal, à jamais, dans leurs mémoires vierges et assoiffées de romanesque. De la grâce. Mais pas que.
Close est dédié à toutes les amitiés perdues par peur de l'interdit, d'un amour qui ne dit jamais son nom, terné de malaise. La peur de faire grandir en soi un courage dont on aimerait se passer. La peur de soi-même se fait ainsi l'ennemie d'une relation boulimique qui se nourrit du désir incessant d'avancer toujours plus loin. Comme si un simple désir, une simple curiosité malicieuse ne suffisait pas.
Encore peu traversées par le cinéma, ces histoires d'amour encore désocialisées entre préados apprivoisant leur nature ne font pas partie de l'imaginaire collectif. Ce film en pose une des premières pierres, tant il définit à la perfection cet instant de survol, où l'orage de la conscience adulte plane au-dessus d'une profonde et innocente tendresse. D'où vient-elle, cette force de la nature ? cette beauté qui innonde la lumière de leurs jeunes yeux ?
Quiconque n'ayant jamais vécu tel paradis ne peut que s'incliner, malgré tout, devant la familiarité de ces images. Ils nous parlent, ces plans. Ils nous reconnaissent.
Et nos deux héros - pas à pas, roue à roue - filent ensemble vers leur cachette sentimentale, avant que - pas à pas, roue à roue - l'engrenage ne se dérègle.
Travelling avant, deux vélos avançant de gauche à droite, sourires sans casque.
Travelling arrière, deux vélos avançant de droite à gauche, doutes sur les lèvres.
Un film d'auteur classique finit malgré tout par se dessiner. L'issue ne nous parait plus incertaine. L'étrange familiarité se dégageant de la poésie des premières images laisse place à un confortable instant de cinéphilie. Le social commence enfin à entrer, nos réflexes de spectateurs reviennent avec de gros sabots. Pas grave. La photo est toujours splendide, les acteurs toujours hypnotiques, notre attachement intacte. Certains films perdent notre engagement émotionnel à coups de schémas qui nous rappellent l'aspect fictionnel de notre "programme". Pas celui-ci.
Si je reproche à nouveau à Close les travers scénaristiques du film social d'auteur typique dans lesquels Girl tombait déjà, j'ai passé un moment intense, j'ai questionné cette familiarité immédiate et cette éloquence de sentiments dont la rareté au cinéma ne reflète pourtant pas la fréquence de leur réalité, et ce à tout âge. Cette peinture que nous offre Lukas Dhont, avec un immense talent, mérite le coup d'oeil et restera, témoignera longtemps. Vous savez très bien de quoi, au fond de vous.