Close
7.1
Close

Film de Lukas Dhont (2022)

Close, réalisé par Lukas Dhont, est le dernier film en date récompensé (à égalité) du Grand Prix du jury au Festival de Cannes. Son pitch : c'est l'histoire d'une amitié entre deux garçons, bouleversée par la collectivité. C'est dans l'humilité et la distance que viendra se définir Close. Un film fait de petites émotions qui, on le comprend par son récit naturaliste, se veut seulement à la hauteur de ses personnages.

Incarnés par Eden Dambrine et Gustav de Waele, les deux jeunes héros forment un duo inséparable au milieu d'une campagne tranquille. 12 ans, c'est un âge où l'on rêve de partir en voyage à l'autre bout du monde : un âge où les questions sont irrationnelles. Le film traîtera en effet de cette perte difficile de l'innocence. Entre deux plans d'étreintes cachées par la nuit, découle l'histoire universel du monde des hommes. Ou comment la brutalité du changement, instaure la brutalité d'une vie ? C'est avec une caméra qui sans cesse coupe ses personnages de leur environnement, que Lukas Dhont nous raconte cette histoire.

Le long-métrage pourra sembler quelque peu long pour ceux qui ne s'y sentent pas attrapés, or cela s'explique par les captures intimistes que le réalisateur choisi d'exécuter. Chaque séquence a pour but de venir attraper un moment de la vie de Léo. Près d'un an s'envole avec ce film, et sa progression dans l'âge dessine contre toute attente un portrait général navrant de vérité. Ainsi, on constate que c'est l'échelle de ton du film qui sert son props, ancré dans une réalité que le cinéaste vient instaurer avec une subtilité remarquable. Cette course où le temps et l'espace filent à travers champs sous les notes du morceau "Bliss" (tendre cadeau du compositeur Valentin Hadjadj), pourra de criconstances se substituer à celle où Léo, poursuivi par la réalité (sois l'âge adulte représenté par la voiture de sa mère), se voit bloquer par une longue focale dans une absence de son anxiogène. Le rôle du style a une importance capitale dans la métaphore du "passage" et Dhont l'a très bien compris.

On trouvera à chaque scène, la profondeur qui lui convient. Incarnée par un zoom lent, dans la scène de l'orchestre où Léo revoit la mère de Rémi (Emilie Desquenne bouleversante) pour la première fois depuis le drame, ou bien simplement par un plan fixe dans lequel le garçon, en position de faiblesse laisse éclater ses émotions. L'ombre de l'enfant plane toujours chez le jeune homme, qui malgré son évolution, ne peut effacer la sensibilité intrinsèque à son humanité. C'est d'ailleurs le jeu de forme principal du film. L'expression de la sensibilité demeure un objet de fascination pour le spectateur. Déjà de pars l'instauration d'un mutisme, un silence des émotions qui rend la catharsis d'autant plus importante. Mais aussi parce que Close magnifie l'innocence, pour dénoncer plus durement le devenir des hommes. L'intention de l'auteur passe alors par la sacrilisation, pour achever sa critique de la masculinité. La sacrilisation d'une proximité perdue, d'une souplesse de coeur que le héros tente secrètement de retrouver. De fait, lorsqu'arrive ce parallélisme affectueux avec son frère, Close parvient à l'équilibre parfait entre subtilité et sentiment. De telle sorte que l'émotion apparait comme une évidence, dans l'oeil de celui qui regarde...

Dans un goût du petit et du fin, Close met donc en scène l'analyse du développement socio-psychologique d'un garçon. Inutile de situer le récit dans un contexte dantesque ou impeccablement étudié. L'histoire des hommes est partout, tout le temps, une cassure et par ailleurs une construction dans nos sociétés occidentales. Il est beau encore une fois pour ces thèmes de la proximité et de l'innocence que Lukas Dhont ait adapté son histoire à l'échelle de l'enfance (car c'est aussi à cet âge que se produisent les changements les plus importants). Or l'histoire des hommes s'aligne tout une vie durant sur les caractères de l'apathie, de la solitude émotionnelle, du devoir et du mérite. En cela, la beauté malheureuse de Close, c'est de voir un enfant reconnaître à coup de regards et de silences, qu'aucun homme n'est jamais vraiment prêt à endurer ça.

C'est ici que je clôts cette critique. Ce bijou n'est pas excempt de défauts, loin de là. Les maladresses du scénario, peuvent être rigoureusement soulignées, tout comme le montage qui pour le funambulisme de son rythme n'est également pas le point fort de Close. Pour autant, les larmes, elles, ne sont en aucun cas exemptées. Et ce n'est jamais dans le mélodrame, qu'il nous les arrache. Pour preuve c'est quand il s'y attaque, que les hommes réagissent. Close a su trouver le bon ton pour parler à tout le monde du genre qui pose problème à nos sociétés.

Après plusieurs hésitations, c'est dans une dernière course à travers les couleurs chatoyantes des champs que Léo lance enfin son regard caméra. Le plan dure et l'innocence se cristalise dans les yeux de l'enfant qui ne nous laisse rien d'autre qu'un nouvel acteur talentueux. C'est dans leur éclat flagrant que l'on apercevra les jeux nostalgiques d'un lézard et d'un poussin. Le souffle d'une amitié partie dans les étoiles...

ArtWind
9
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le 4 nov. 2022

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ArtWind

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