Hypothèse 1 : Complaisance de Gaspar dans ce jeu de massacre



Je me dis que j'en ai assez soupé de ces fumisteries. Je veux dire, il serait temps qu'il "étende" son univers et ses points de vue, ou sa réflexion même. Mais non, Gaspar Noé est resté bloqué dans son trou noir, qui est au fond un stade anal duquel il ne sort toujours pas. Il s'y vautre, il y vautre ses protagonistes et leur fait faire à peu près n'importe quoi, et puis finalement il nous y vautre , nous, spectateurs impuissants, affligés, excités, ennuyés, horrifiés (rayer les mentions inutiles)


C'est la grand messe du vomi, le grand Holiday on vice du dégueulis !


Il suffit de faire des soirées beuveries soi-même, de regarder les emissions infâmes de télé-réalité, de regarder les infos, de regarder simplement dehors comment on s'injurie à qui mieux-mieux, comment on se dénigre, comment on se crache à la figure dans la rue, en famille, en politique, à l'école, au boulot... Alors pourquoi à nouveau s'infliger cela au cinéma, et pourquoi Gaspar Noé veut-il nous l'infliger ?


"Vivre est une impossibilité collective"...mais quelle ânerie. Il n'y a rien de collectif dans ce film. Des êtres humains qui se grattent la nouille, qui s'auto-nombrilisent...


Tu crois que Noé dénonce ce monde en folie ? Mais tu te fous le doigt dans l’œil jusqu'à l’omoplate : il s'y complaît parfaitement, il s'en tartine le fond de la rate, s'en fait des ablutions puis se fait lui-même vomir pour nous resservir la même soupe pas fraîche depuis 20 ans...


Ok, la caméra est virtuose, mais pourquoi nous servir uniquement du nauséeux ?
Et je trouve un peu facile de s'attaquer à des jeunes remplis de doutes et d'alcool. A quand un film qui s'attaque aux vrais responsables ? L'esclavagisme moderne, le capitalisme cannibal et brutal, les déséquilibres des richesses, les magouilles du club des millionnaires et des politiques, voilà des sujets qui mériteraient plus d'attention. Faire un film sur des teenagers en plein bad trip, et se servir d'eux pour décrire une société qui implose, je trouve cela un peu lâche.


C'est le testament de notre humanité dégénérée en fin de parcours et d'arguments, une démonstration boiteuse par le vide, un "Loft" sous respirateurs artificiels et sous acides...
Sartre disait dans sa pièce de théâtre Huis clos, "l'enfer c'est les autres", je rajouterais simplement après ce triste spectacle : "et soi-même et Gaspard Noé".


Que ce monde-là s'engloutisse, par pitié, qu'il se noie dans son propre vomi et qu'il nous foute la paix. j'en ai plus rien à cirer.


Et prenez Gaspar avec vous.



Hypothèse 2 : Non-complaisance de Gaspar à l'égard de notre société en délabrement



Je viens de voir Gaspar chez Kombini, matant et décrivant des DVDs dans un de ces antiques magasins de location parisien. Le personnage est touchant et surtout, il m'a donné quelques clés de compréhension.


Gaspar Noé aime les films catastrophes, il aime voir comment une société s'écroule, le film "de catastrophe social", comme il dit :
"Tout va bien jusqu'au jour où tout va mal". Il cite notamment le film "L'aventure du Poseidon" de Ronald Neame (1972) : "C'est un peu comme dans mon film, tu sais que ça se passe très mal, mais tu sais pas qui va sortir vivant et qui va mourir. En général dans les films Américains, ce sont les plus méchants qui meurent, dans mes films, c'est plutôt l'inverse, c'est les plus cruels qui survivent"..."Les gens veulent voir comment un monde s'effondre, comment une société peut imploser de l'intérieur." Voilà donc le projet de Gaspar Noé. Oui, mais quelle société ?
Après, pour "Climax", Gaspar fait beaucoup référence à "Irréversible" (2002):
"C'est un braquage qu'on a tous fait ensemble (Vincent Cassel et Monica). Et on est tous très fiers, je crois."
En effet ce fut un coup médiatique et un braquage financier car :
"Parce qu'il n'y avait pas de scénario, parce qu'on l'a tourné en 6 semaines, parce que ça s'est improvisé, il y avait trois pages de scénario, donc pas de dialogues, et du fait qu'on avait un tout petit budget et très peu de temps de tournage, on avait un peu carte blanche..."
Et Gaspar finit par conclure :



" Quand j'ai fait "Climax", je repensais tout le temps à la vitesse de tournage et d'impro qu'on avait sur "Irréversible", je me disais que j'aimerais bien faire un autre truc comme ça, où je ne me prend pas la tête, où il n'y a pas de scénario et on fonce dans le tas et on fait un film"



Voilà le projet de Gaspar Noé. Retrouver le succès de "Irréversible" avec sa recette de facilité, et cette équation petit budget - improvisation - pas de scénario - pas de prise de tête - film choc / braquage financier. En d'autre termes, Gaspar est à la recherche de son succès, celui qui a marqué les esprits. Et c'est bien là le point qui flanche, car on est bien en dessous de la puissance formelle de Irréversible. On sent trop que "Climax" est fait à l'arrache, comme on dit dans le sud. Et que malheureusement, l'improvisation ne bénéficie plus de la prestance ou la présence d'un Vincent Cassel. Dans les chorégraphies, nous sommes dans de l'à-peu-près, dans les dialogues, nous naviguons entre "le Loft" et les séries AB de type "Helène et les garçons", version trash et spring break, bien sûr.


Au final, je remarque que tout le monde aura aimé (moyenne de 7 sur SC et en France et sur Rotten Tomatoes et Metacritic), or financièrement, il s'avéra un flop avec au box office France: 60 200 entrées. Pas de quoi affoler les compteurs...



Face à ce jeu de massacre, le spectateur tient là une responsabilité : qu'a-t-il vraiment aimé ?



Et pourtant je me dis qu'il y a un point où Gaspar a réussi. Il a trompé son monde. Je te rappelle que dans l'esprit de Gaspar Noé, son film est un film catastrophe, un monde qui s'écroule, une société inconsciente, irrespectueuse, droguée, extrêmement individualiste. C'est ce monde superficiel que Gaspar engloutit. C'est un cauchemar et le réalisateur filme notre descente en enfer. L'enfer de soi, l'enfer des autres, l'enfer du vide, l'enfer de la bêtise. Gaspar laisse tous les boulons partir en sucette, il pose le couvercle et laisse mijoter. Comme m'a dit Tonton_Charlie sur SC : "Il ne prend pas le spectateur pour un imbécile, il le force à se révolter contre ce qu'il voit". Et c'est bien ce que je crois.
Je pourrais cependant objecter à Gaspar Noé qu'il déresponsabilise les protagonistes en faisant entrer un élément extérieur à eux, générant tout ce chaos : le poison dans la sangria. Je pense qu'il n'était pas obligé de rajouter cet élément. Le monde s'auto-détruit parfaitement sans avoir besoin de l'aide d'une sangria sous acides (même si ça aide, bien sûr)
Ainsi, lorsque tu comprends que ce cauchemar décrit une société qui s'écroule, qui fait n'importe quoi, qui dit n'importe quoi, le spectateur tient là une responsabilité : qu'a-t-il vraiment aimé ? A-t-il aimé cette descente en enfer, ce malaise croissant, les vomissements, les dialogues insipides et vulgaires, les danses approximatives et la musique binaire un peu facile ? Ou a-t-il aimé assister à l'effondrement de monde-là ? Ou encore, a-t-il aimé l'art de filmer de Noé ?


Pour ma part, je lui reproche de n'avoir pas cherché à dépasser "Irréversible". Je lui reproche de nous avoir resservi un peu les mêmes ingrédients, mais en plus approximatif, en plus amateur. Puis, alors que je pouvais trouver une "morale" à l'histoire de Irréversible, une puissance visuelle hors du commun avec ce concept de film "en marche arrière", "Climax" m’apparaît plus négligé, où il me manque une autre dimension, qui me ferait aller au-delà du cauchemar sociétal filmé par Gaspar Noé.
Et aussi, je me suis tout simplement beaucoup ennuyé par les enjeux dégagés par "Climax".


Cependant, je trouve Gaspar Noé touchant en tant que personnage, qu'être humain, cinéaste, cinéphile. Son film reste malgré tout un film indépendant, avec un public proportionnellement inverse à sa magnifique couverture médiatique en Europe et aux Etats-Unis.


Peut-être serait-il temps à Gaspar de faire "évoluer" son cinéma, en tout cas d'aller au-delà du film qui l'avait fait connaitre et reconnaître en 2002 ?


"Climax" ne m'a pas convaincu, ses enjeux m'ont plutôt ennuyé, et ce spectacle m'a exaspéré.


Peut-on attendre autre chose du talentueux prodige, Gaspar Noé ?
Moi, je crois que oui.


Que ce soit l'hypothèse 1 ou la 2, dans la complaisance ou non, Gaspar Noé semble nous dire de toute manière : "Que ce monde-là s'engloutisse"...


C'est le testament de notre humanité dégénérée.


Note : il est assez dur de noter ce film en fait.
Et ce drapeau Français avec paillettes, cela me turlupine...pourquoi ?

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le 25 janv. 2019

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