Autant vous dire que je savais à peu près à quoi m'attendre en allant voir Climax la semaine passée. Le synopsis se veut à la fois explicite et mystérieux : une troupe de danseurs professionnels prépare un spectacle et se réunit dans une ancienne école en bordure de forêt, ils utilisent le gymnase pour quelques répétitions. La dernière de ces répétitions donne lieu à une fête qui dégénère à cause d'une sangria empoisonnée au LSD, un puissant psychotrope connu de tous.


La force et la différence de Gaspar Noé, c'est que même en nous dévoilant l'enjeu de son histoire, il arrive à nous surprendre et à nous déstabiliser.


Pour bien nous le faire comprendre, il ouvre son film par une scène de danse bluffante qui captive nos yeux et nos oreilles tant ces jeunes (acteurs amateurs,Noé les ayant sélectionnés sur le tas dans des spectacles de danses) se montrent énergiques et passionnés. Noé fait danser sa caméra et sa performance est incroyable sur cette séquence de plusieurs minutes. Dans un jeu de plongée/contre-plongée, on ressent la parfaite synergie du réalisateur avec ses acteurs/danseurs, on voit deux passions se mélanger dans une transe amusante, dansante, sur fond de Cerrone.


Climax est, à la manière de Enter The Void, un bad trip puissant qui vous mettra mal à l'aise et vous donnera la nausée. Mais ce bad trip là est général, il touche et disloque tout un groupe, et il est non-désiré. Dans ce film, pas d'effets visuels/sonores artificiels censés retranscrire les effets des psychotropes d'un point de vue à la première personne. Ici, on perçoit le bad trip de l'extérieur, le spectateur s'égare dans cette vieille école ou la panique s'installe peu à peu, tandis que les corps dansent, les gens délirent et alors les cris se mêlent à la musique.
Comprenez bien que pendant 90 minutes devant l'écran et toute une nuit dans le film, vous serez prisonnier et spectateur de cette horreur, de ce chaos. Je ne crois pas que le fait d'être complètement étranger à quelconque drogue vous rende complètement hermétique au film puisqu'on se trouve simplement dans l'horreur psychologique la plus totale et la plus pure. Les adeptes des psychotropes n'y seront que plus sensibles, du fait du réalisme que Noé nous sert.


Comme dans Irréversible, les plans séquences s'enchaînent, mais ici la tension ne retombe jamais, elle ne fait que s'aggraver de plus en plus. De même manière qu'une montée de LSD, l'ascension de l'horreur prend son temps, elle respire à travers les corps qui dansent, corps qu'on observe danser au cas par cas, le groupe étant dispersé dans le délire et la caméra se baladant parmi ce qui s'apparente à un groupe de morts-vivants. La danse, omniprésente dans le film, devient l'ultime refuge à toute cette horreur, alors qu'elle était déjà plus ou moins un refuge pour ces jeunes vivants quelque peu en marge de la société. La musique sert merveilleusement bien le propos et Gaspar Noé nous sert un lot de hits pop/funk/electro des années 70/80/90 sur lesquels il a lui-même dansé. De Patrick Hernandez à Daft Punk en passant par Dopplereffekt, Noé nous plonge complètement dans une ambiance de fête de jeunes à la fin des années 90.


Le film est tourné en une quinzaine de jours et sans scénario, selon les dires du réalisateur, avec des acteurs novices qui ont improvisé la totalité des dialogues. Rajoutez à ça le décor unique du film (une ancienne école bien glauque), la caméra portée à l'épaule par Noé et ses longs plans-séquence : vous obtenez un film à l'aspect documentaire qui glace tellement plus le sang. Les séquences du films ont été tournés dans l'ordre chronologique afin d'en tirer le meilleur parti et de retransmettre cette montée en puissance de l'horreur. On peut reprocher certains dialogues inutiles, soporifiques et vulgaires qui m'ont un peu sorti du film, avec un jeu d'acteur parfois bancal mais excusable. Le travail sur la lumière et le son est techniquement très impressionnant et met vraiment en valeur certaines séquences du film. Irréversible et Enter the Void auront toujours une plus grande place dans mon cœur, mais quel bonheur de voir Gaspar Noé dans cet exercice du film d'horreur psychologique. Encore une fois, il se démarque par son originalité.


Climax, c'est un bad-trip général non-désiré au LSD, c'est la musique, la danse, la sangria, la jeunesse. C'est l'amour, le sexe, la violence, la haine, les larmes, les coups, le sang. Climax c'est la vie et c'est aussi la mort.

CaptainThib
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le 25 sept. 2018

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