Projet pharaonique -terme en adéquation parfaite avec le sujet, s'il en est- Cleopatra déclencha un mini-ouragan de part son budget en constant dépassement -ce qui amena des problèmes sur le dernier tournage du film (inachevé) de Marilyn Monroe (Something's Got to Give)- la relation adultérine entre Burton et Taylor, l'état de santé de cette dernière...


Bref, après deux ans de tournage, Cleopatra est enfin distribué sur les écrans US en première mondiale, le 12 Juin 1963.
Le film est un succès immédiat et enchaine les nominations et récompenses aux Academy Awards de 1964.


Qu'en est-il du film lui-même?


Fresque épique d'une beauté visuelle encore crédible de nos jours (magnifiques peintures sur verres, splendides décors fastueux) et scénario écrit à 6 mains (dont un dernier jet de Mankiewicz même), font de ce film-fleuve (plus de 4 heures en version restaurée, 5h20 en Director's Cut) une éblouissante biopic de trois figures de l'Antiquité que sont:
-Cléopâtre VII (Elizabeth Taylor),
-Caius Julius Caesar IV (Rex Harrison)
-et Marcus Antonius (Richard Burton).


Assez proche de la "réalité" historique (selon les écrits de Suéone, Plutarque et Appien) -et bien que prenant certaines libertés (Césarion n'a semble t-il jamais été contemporain d'un César en vie, entre autre)- le récit en deux actes distincts (séparé par une entracte) nous plonge dans le dernier siècle avant JC, au milieu de l'extension de l'Empire Romain.


Extension au cours duquel Jules César -pourchassant un Pompée en fuite- se retrouve en Alexandrie.
Il y est surpris de ne pas y trouver Cléopâtre -censée régner avec son frère Ptolémée- et encore plus par le fait que Pompée a été assassiné sur ordre du jeune Pharaon...


Le premier acte s'inscrit comme un récit guerrier, saupoudré par l'idylle entre César et Cléopâtre.
Nous y voyons donc un César sûr de lui et de son bon droit, n'hésitant pas à envoyer au casse-pipe ses légionnaires.


La Reine d’Égypte nous est dépeint comme manipulatrice, hautaine et s'imaginant être une descendante directe de la Déesse Isis.


Entre ces deux forts personnages, c'est un duel verbal incessant et corrosif tournant peu à peu en une fascination amoureuse (calculatrice?), l'un et l'autre se retrouvant un peu comme face à un miroir: envie de pouvoir et de gloire, égocentrisme...


Rex Harrison compose un César n'ayant aucun vice -si ce n'est la soif de domination- et joue avec une certaine sobriété ce personnage semblant invincible (en apparence du moins, puisque souffrant d'épilepsie) et tendant à devenir une sorte de demi-Dieu Romain.


Un point de vue "historique" des plus intéressant, nous offrant des scènes très détaillées sur l'opportunisme certain de Jules César (qui se réapproprie certaines idées de son entourage et surtout de la Reine elle-même) ainsi que sur les us et coutumes de la vie royale dans le palais d'Alexandrie, via de superbes scènes mettant en scène Cléopâtre et ses servantes.
L'on dirait presque une mise en image d'un livre d'Histoire...


Le deuxième acte glisse plus vers le romanesque exacerbé, les intrigues politique -avec un surprenant Roddy McDowall dans le rôle de l'insupportable et opportuniste Octavius (futur Empereur Augustus)- et un sentiment d'inéluctable défaite...


Burton est excellent en dépeignant un Marc Antoine esclave de son amour pour Cléopâtre et pour l'alcool, tandis que l'indéfectible loyauté de Rufio (un très bon Martin Landau) amène un côté plus terre à terre à cette seconde partie.


Mais quid de l'interprète de la grande Cléopâtre VII?
Liz Taylor est quasiment de toutes les scènes, injectant une sensualité de tous les instants.
Son regard bleu scrutant un avenir qui n'arrivera jamais, avec une élégance royale.
L'actrice y apporte tout son charisme et son faste, gravant à jamais dans le marbre, cette personnification de l'une des femmes de pouvoir la plus connue dans toute l'Histoire.


En résumé, un excellent film deux-en-un (les deux actes diffèrent de par leurs traitements):
-une interprétation excellente,
-une mise en scène classieuse du sieur Mankiewicz,
-un score d'Alex North préfigurant dans "Overture" le futur Conan The Barbarian par Poledouris,
-une maestria visuelle exceptionnelle (le budget "over the top" y trouve donc toute sa signification d'être)
-et accessoirement, qu'est-ce que c'est chouette de voir une immense foule de vrais figurants, pas comme ces films modernes qui nous servent des armées impersonnelles en CGI...


Après, j'ai une certaine préférence pour l'acte I (mieux construit et instructif) alors que dans l'acte II, j'ai ressenti quelques menues longueurs ici et là et un flagrant manque d'émotion lors de la mort de Marc Antoine et surtout de Cléopâtre, qui aurait gagné à être plus prenante.
C'est quand même un suicide par amour de la Reine des Reines, que diable!!


D'où mon 8 final...

Franck_Plissken
8
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le 26 avr. 2016

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The Lizard King

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