Une étude sociologique en fourgon clos, au cœur de la révolution égyptienne

C'est en toute discrétion que Clash est sorti en France. Il faut dire que le sujet du film n'a pas un gros potentiel commercial et au milieu du faiblard War Dogs, du moyen mais intéressant Free State of Jones et de la belle surprise Victoria, ce n'était pas évident de se faire une place sur nos écrans.


L'histoire se déroule durant l'été 2013 au Caire. Deux ans après la révolution égyptienne, les révolutionnaires, les frères musulmans et l'armée s'affrontent après la destitution du président Mohamed Morsi. Des manifestants provenant de ces différents groupes, vont être arrêter et se retrouver enfermées dans un fourgon. Malgré leurs divergences politiques et religieuses, ils vont devoir cohabiter dans cet espace confiné, sous une forte chaleur et dans un climat tendu.


En 2010, Les femmes du bus 678 avait reçu un bel accueil critique. Six ans après, un nouveau film du réalisateur Mohamed Diab franchit nos frontières et se fraye une petite place dans nos salles obscures.


Le film est un huis-clos oppressant, du moins dans sa première heure. La caméra ne sortira jamais de ce fourgon, elle se transforme en un personnage à part entière, une sorte de témoin des événements se déroulant à l'intérieur et à l'extérieur de ce lieu confiné. Mohamed Diab filme au plus près ces hommes et femmes, enfermés à tort où à raison. Il a rassemblé différentes personnes représentatives de la société égyptienne, pour une étude sociologique qui va nous permettre de comprendre un peu mieux les motivations de chacun.


Au début, l'histoire est éprouvante avec ces gens traités comme des animaux en cage. Ils sont arrosés et dépouillés de tout leurs droits, même celui d'avoir un peu d'intimité pour leurs besoins naturels. Les militaires mettent à mal leurs dignités, sans faire de distinctions. Il y a une majorité d'hommes, mais aussi une femme et des adolescents. Ils vont rapidement se diviser en deux groupes, non sans avoir pris le temps d'échanger quelques civilités. Mais en se retrouvant dans la même galère, ils vont devoir faire front pour avoir une chance de survivre aux exactions commises par certains des leurs dans les rues du Caire.


Un sentiment d'échec prédomine, comme on peut le constater dans le chaos qui règne dans la ville. On se déplace avec eux à bord du fourgon, pour découvrir différentes situations. Ils sont aux premières loges pour assister au spectacle affligeant d'une société incapable de trouver un terrain d'entente. Cela donne un côté documentaire au film, qui est fort intéressant quand on ne maîtrise pas la géopolitique. Cette immersion dans la société égyptienne, nous permet de mieux cerner la situation politique de ce pays, qui ne semble créer que le chaos et la mort.


Après une première heure intense où la caméra ne nous laisse pas une seconde de répit, le film s'essouffle et tourne en rond comme le fourgon dans les rues du Caire. L'intensité baisse de plusieurs crans, rendant le propos moins percutant. En dehors de quelques coups et de mots échangés, on aura pas de confrontation où chacun pourra expliquer et défendre son idéologie. C'est la réalisation et le climat difficile, qui rendait le film intéressant, mais en allant pas au fond de son sujet, il laisse le spectateur sur sa faim. Cela devient banal avec la recherche d'une solution pour ouvrir la porte du fourgon. C'est aussi une manière de nous dire que le problème ne semble pas avoir de solution, du moins c'est comme cela que je le comprends. La fin permet de nous remettre un peu en condition, tout en nous laissant sur notre faim.


La réalisation de Mohamed Diab est un de ses points forts. Il semble à l'aise dans ce lieu étroit, en glissant sur les visages où les gouttes de sueurs se succèdent sur les visages fatigués de ces gens, tout en se collant aux grilles pour nous montrer l'état du pays. Le film est très prenant, mais on ne fait qu'effleurer la personnalité de chacun et en dehors de quelques personnages, cela manque de profondeur. Malgré sa magistrale première partie, c'est une semi-déception.

easy2fly
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le 23 sept. 2016

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Laurent Doe

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