Comment décrire cette oeuvre légendaire et savoir en parler quand tout a déjà été dit dessus. On pourrait peut-être résumer Welles et Citizen Kane en un mot: génie.
Génie car sont film est révolutionnaire. A seulement 26 ans, et malgré le bide que son oeuvre a fait à l'époque, il n'en demeure pas moins incontournable par son aspect technique. En effet, ne fut-ce que le début démontre tout le génie (attendez-vous à l'entendre souvent) de ce monsieur. Et puis ces plans totalement merveilleux: celui des miroirs (qui démontre que Kane possède une personnalité très ambiguë, voire même multiple), la boule de verre avec la maison dans la neige qui renvoie directement à l'enfance de Kane. Le plan où la caméra survole le toit de l'une des ex-femmes de Kane pour rentre par la verrière. J'en oublie très certainement mais ils sont légions. Mais le film a surtout rompu avec les codes imposés dès les années 30: caméra positionnée en plongée ou en contre-plongée, Welles utilise une courte-focale, la lumière possède une importance énorme, les plafonds sont souvent filmés pour avoir une idée d'enfermement (qui situe un peu la personnalité de Welles, enfermé bien malgré lui dans un monde qu'il n'a pas choisit à la base et qu'il va tout faire pour s'en sortir. Ainsi on peut voir à quel point son château est gigantesque et que dans celui-ci, on n'y filme quasiment jamais le plafond ce qui démontre que Kane tient à retrouver une sorte de liberté), alternance de plans courts et de plans-séquences,... Sans oublier le montage qui est très important dans l'oeuvre de Welles. On notera aussi la partition de Bernard Hermann, aujourd'hui si célèbre dans le monde du cinéma.
Génie car le scénario est réussi en tout point. Outre un point de départ caractérisé par Rosebud (bouton de rose) et qui est réellement le fil conducteur de tout le film (Quel est-il, que veut-il signifier?) et pour lequel j'y reviendrai un peu plus tard, Welles nous fait un petit topo de la presse dans le premier quart d'heure qui est d'une modernité effarante : modèle du magnat de la presse aux USA, utilisation très formelle des médias, entrecroisement des médias de masse et de la politique, patron des médias qui fait de la politique (Berlusconi est un exemple moderne), début de la presse à sensation (plans derrière la grille, caméra qui bouge tout le temps, preuve que ses séquences sont "volées"), idée du réseau avec carte de l'Amérique,... Bref, rien que cela vaut le détour. Mais revenons maintenant à la signification du mot Rosebud, point de départ du journaliste (qu'on ne voit jamais de face, preuve que c'est bien Kane le personnage central de l'histoire) dans son enquête. Pendant longtemps, on se pose cette question qui est dévoilée à la fin du film. En effet, il s'agit du traîneau que Kane possédait pendant l'enfance et qui est très important puisque durant sa jeunesse, sa mère le donne à un tuteur, ce qui changera énormément la vie de Kane puisqu'il deviendra très riche grâce à celle-ci. Pourtant, dès le départ, Kane semble opposé à son départ et le traîneau servira de rempart au tuteur. Mais bien au-delà d'un simple objet physique, que l'on peut toucher, ce mot résume à lui)tout seul toute la vie de Kane. On sent que cet homme aurait rêve d'une autre vie. Il est parfois satisfait de ce qu'il lui arrive mais des fois il voudrait partir ailleurs. Le personnage est fortement centré sur sa personne et est carrément mégalomaniaque. Est-ce que Welles lui-même ne l'était pas puisqu'il joue lui-même Kane ? Bref, le film est loin d'être une simple biographie d'un homme, on plonge véritablement dans la psychologie de notre héros principal, possédant un journal mais aussi d'autres entreprises et qui sera plus tard politicien à ses heures.
Enfin, un léger mot sur les acteurs: outre Welles qui est tout bonnement parfait dans ce rôle, on notera que la plupart des seconds rôles sont tous excellents. Pourtant, à cause de l'échec cuisant que le film connut lors de sa sortie, certains ne jouèrent que dans Citizen Kane. Mais quel honneur aujourd'hui de figurer au générique de cette oeuvre, salué par les critiques qui n'hésitent pas à le classer comme étant le meilleur film de tous les temps.
Génie, voilà ce qu'était Welles. Car à 26 ans et avec son premier film (du moins son premier long-métrage), il a bouleversé le cinéma, il a révolutionné le septième art. Il est devenu avec le temps un symbole, une icône du milieu. Un film que tout cinéphile qui se respecte se doit de voir. Une oeuvre remarquable, un chef-d'oeuvre...
batman1985
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le 6 mai 2011

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