Joel Schumacher est l'un des réalisateurs hollywoodiens les plus honteux, réactionnaires, démagogues, putassiers, etc. etc. Dé-zinguer ses films est un exercice facile pour la critique - et bon nombre de cinéphiles - française. Seulement, il y a ce "Falling Down" ("Chute Libre" en mauvaise traduction française) qui pose problème, et créa d'ailleurs la polémique à l'époque de sa sortie : car dans "Falling Down", au delà du mauvais fantasme du petit blanc qui se révolte - en vrac - contre le temps perdu dans les embouteillages, l'excès d'immigrés asiatiques, la violence des gangs, l'impolitesse du petit personnel des Fast Foods, l'arrogance des nantis retranchés dans leurs clubs de golf privés, l'immoralité des banques, et j'en passe et des meilleures (le plus glauque étant sans doute la méchanceté des ex-épouses qui empêchent leur ex-conjoint de voir leurs rejetons), il y a nombre de choses réellement troublantes, qui en font un VRAI film, et pas seulement un rêve humide du beauf moyen du FN. Il y a l'interprétation remarquable d'un Robert Duvall, qui transcende à tout moment son personnage de petit flic soumis à sa femme bi-polaire, et élève quasiment toutes ses scènes vers une justesse humaine qu'on ne trouve décidément plus dans le cinéma alimentaire hollywoodien récent. Il y a la remarque ambiguïté (volontaire ? On ne peut pas répondre...) d'un scénario qui pose clairement son personnage principal comme un dangereux déséquilibré, mais qui - truc classique depuis Voltaire - lui confère une "innocence" dans le regard qu'il jette sur la société californienne permettant de questionner avec une vraie profondeur des comportements quotidiens qui sont aussi les nôtres. Il y a en outre - et c'est sans doute là que le film gêne le plus, et se révèle donc passionnant - l'implication émotionnelle du spectateur qui sympathise rapidement avec cette révolte incohérente mais pourtant réconfortante, et qui se trouve régulièrement honteux d'avoir si aisément cédé aux sirènes du populisme. Finalement, un film polémique et inconfortable comme ce "Falling Down" vaut bien mieux que la plupart des produits bien calibrés qui caressent leur spectateur dans le sens du poil en veillant de ne choquer aucune de ses convictions.

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le 14 août 2013

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Eric BBYoda

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