Un polar qui transpire les magouilles et la soif de pouvoir

Chinatown. Un titre assez aguicheur, plutôt stylé, qui pourrait être à lui seul une raison tout à fait valable pour visionner l'oeuvre. Le genre de titre que t'as déjà entendu partout, mais dont tu ne sais absolument pas de quoi ça pourrait traiter.
Un jour, c'est les vacances, t'as besoin de voir un film qui change de tes standards habituels (les Westerns pour ma part) et tu te lances.
Le film démarre. Déjà, tu commences à t'interroger sur le fait qu'il n'y ait aucun nom à consonance asiatique dans le générique. Et ce n'est que le début.
Car oui, Chinatown ne se passe absolument pas à Chinatown, le fameux quartier sino-américain de Manhattan, mais bien à Los Angeles, en plein désert. Tout le film énonce ce lieu (Chinatown donc) sans vraiment en expliquer le sens, ni le lien avec le scénario. C'est le rôle du spectateur, qui doit en effet interpréter à sa façon ce que lui suggère Roman Polanski, à travers le personnage de Nicholson.


Bref. Le pitch est assez simple au départ ; Jack J. Gittes (le fabuleux Jack Nicholson) est un détective privé de bas étage, s'occupant d'affaires matrimoniales assez banales et inintéressantes, axées sur l'adultère principalement. Cependant, assez malin, celui-ci cache cette réalité plutôt pitoyable derrière un costume et des chaussures sur mesure (il le répètera d'ailleurs plusieurs fois durant le film), ainsi qu'un comportement hautain. Il essaie comme qui dirait, de se donner un genre, de s'apparenter à la classe supérieure des friqués de L.A. dans les années 30.
C'est d'ailleurs une respectable femme de la classe aisée de L.A., Evelyn Mulwray, qui vient trouver notre cher Jack, afin que celui-ci retrouve l'amante de M.L'ingénieur en chef du département des eaux Hollis Mulwray, l'époux de Madame donc. Jack accepte et commence ses investigations, à sa façon.


De là, le film s'engage dans un engrenage de magouilles et autres perversions toutes plus ignominieuses les une que les autres, et Jack découvrira que la classe à laquelle il souhaite tant appartenir n'est rien qu'une vulgaire association de magnats corrompus, pourris jusqu'à la moêle par l'argent et le pouvoir, gangrénant de leur monnaie sale toute la ville de Los Angeles, voire plus...


Chinatown, c'est mon premier Polanski. Et quelle énorme claque ! La réalisation est sensationnelle, on ressent toute la chaleur étouffante du désert, et même le spectateur, comme les protagonistes du film, a le sentiment d'avoir besoin d'eau. La photographie est absolument sublime, très colorée, avec un format assez large, qui nous offre des plans magnifiques, cadrés avec soin.
Le film est parsemé de scènes phares, qui donne une identité forte au film (la scène du canif avec Polanski, le repas entre Evelyn et Jack,...)
Les autres gros points forts du film sont la composition musicale de Jerry Goldsmith (écrite en 10 jours seulement !) tout simplement magnifique, qui nous emporte dans ce dédale de mystères et de faux-semblants. Les acteurs sont géniaux ; Jack Nicholson est parfait (comme d'hab' quoi) et Faye Dunaway est impériale en femme riche, mais terriblement seule et désespérée, bientôt rattrapée par le monde cruel auquel elle appartient (elle me fait beaucoup penser à Ginger McKenna dans Casino de Scorsese).
Enfin, évidemment, le scénario est écrit avec une maestria incroyable. L'histoire avance un peu à la manière d'une gradation, avec des affaires qui se multiplient et s'entremêlent. Affaires qui vont solliciter la transgression de règles par Gittes, et remuer le passé douteux de la famille Mulwray comme celui de Jack (on en apprend plus au fur et à mesure du récit, mais cela reste très flou), jusqu'à nous ramener inévitablement vers le dénouement du récit et sa fin résolument tragique. Le *Forget it Jake, it's Chinatown" est mythique, et sonne comme le coup d'une massue ; la morale est assez simple,


l'argent gagne toujours.


Chinatown est un film monumental, un hommage magnifique aux films noirs qui parvient à surpasser ses inspirations et à s'imposer comme un classique du genre.


Bravo Roman, tu m'as bien eu.

Mauvais-coton
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le 14 avr. 2017

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