Ambiance rétro et escroquerie foncière

Chinatown est un pur produit de la mode rétro qui commençait à apparaitre dans ces années 70 à Hollywood. En effet, Roman Polanski recrée avec habileté l'atmosphère du film noir hollywoodien des années 40 grâce à plusieurs éléments typiques du genre : une ville menaçante, une faune interlope, un privé fatigué et qui reçoit des coups, une femme troublante, le monde de la pègre locale, la corruption, une machination, et une intrigue ténébreuse. Le réalisateur et son scénariste Robert Towne prennent visiblement beaucoup de plaisir à reconstituer cet univers, un peu comme le fera plus tard Wim Wenders avec Hammett ; cette reconstitution du Los Angeles de 1937 est particulièrement soignée, l'hommage aux mythes du genre, vu jadis notamment dans le Faucon maltais réalisé par John Huston, est parfait. Ce même John Huston qui, suprême clin d'oeil, apparait ici dans un rôle assez conséquent. Cependant, Polanski tout en rendant hommage par un séduisant "à la manière de", se permet de dynamiter un peu le film noir classique avec quelques audaces en livrant sa vision d'un invraisemblable imbroglio des corruptions et du crime, mais le privé J.J. Gittes incarne dans la plus pure tradition le catalyseur dont la présence et l'enquête vont provoquer le drame. Jack Nicholson, si souvent à la limite du cabotinage calculé, est dans ce rôle excellent et plus mesuré. L'une de ces petites entorses au schéma du film noir est justement de montrer un héros enlaidi qui se balade pendant les 3/4 du film avec un pansement sur le nez, suite à une scène très réaliste d'entaille provoquée par une petite frappe sadique incarnée par Polanski en personne. Un superbe film en forme de tragédie psychologique.

Créée

le 12 août 2016

Critique lue 722 fois

22 j'aime

14 commentaires

Ugly

Écrit par

Critique lue 722 fois

22
14

D'autres avis sur Chinatown

Chinatown
Thaddeus
10

Les anges du péché

L’histoire (la vraie, celle qui fait entrer le réel dans le gouffre de la fiction) débute en 1904. William Mulholland, directeur du Los Angeles Water Department, et Fred Eaton, maire de la Cité des...

le 18 sept. 2022

61 j'aime

2

Chinatown
Mr-Potatoes
10

«Un pour tous, tous pourris»

Tous les fornicateurs/libertins/échangistes/politiciens d’expérience vous le diront : « Une c’est bon, deux c’est meilleur ! ». Riche de ce sage enseignement, c'est une critique non pas sur un mais...

le 6 oct. 2015

48 j'aime

5

Chinatown
Sergent_Pepper
7

Noir of the worlds

Visiter l’Amérique et y tourner ne suffisait pas à Polanski : se frotter au mythe du Nouveau Monde impliquait aussi d’aller investir les terres, au propre comme au figuré, de sa mythologie. De retour...

le 9 déc. 2020

28 j'aime

3

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
Ugly
10

Le western opéra

Les premiers westerns de Sergio Leone furent accueillis avec dédain par la critique, qualifiés de "spaghetti" par les Américains, et le pire c'est qu'ils se révélèrent des triomphes commerciaux...

Par

le 6 avr. 2018

122 j'aime

96

Le Bon, la Brute et le Truand
Ugly
10

"Quand on tire, on raconte pas sa vie"

Grand fan de westerns, j'aime autant le western US et le western spaghetti de Sergio Leone surtout, et celui-ci me tient particulièrement à coeur. Dernier opus de la trilogie des "dollars", c'est...

Par

le 10 juin 2016

95 j'aime

59

Gladiator
Ugly
9

La Rome antique ressuscitée avec brio

On croyait le péplum enterré et désuet, voici l'éblouissante preuve du contraire avec un Ridley Scott inspiré qui renouvelle un genre ayant eu de beaux jours à Hollywood dans le passé. Il utilise les...

Par

le 4 déc. 2016

95 j'aime

45