Spielberg aimerait que L'Amérique ressemble à son oeuvre. Une économie solide de type libérale s'appuyant sur un socle populaire où le bon/mauvais goût ne se discute pas mais où le peuple contribue sans rechigner à payer sa place (la saga des Transformers, Jurassic World). Il y a le Spielberg assimilé à la part de rêve/cauchemar et d'optimisme/pessimisme insufflée par le divertissement de qualité (Jaws, Indiana Jones, Rencontres du troisième type, E.T., Jurassic Park, Minority Report...) dont la fascination et le passage de témoin de génération en génération exerceraient presque un baromètre politique tant les tendances traversent les périodes en y imprimant l'air du temps. ( '70 la paranoïa, '80 l'espoir, '90 la mutation, '00 le chaos, '10 la synthèse) Et il y a la part historique rattachée aux dissensions de la race humaine, de sa reconnaissance envers les minorités, de son rattachement à la liberté et à la terre. A l'image de son beau et précieux "Lincoln", Spielberg est un idéaliste et sa vision d'une Amérique consciente de sa laideur (il a récemment avoué son rejet de Trump et son dégout de Weinstein) reflète bien un cinéma beau, passionnant, perfectible et traversé d'un courant idéaliste et résigné à voir le bonheur en full frontal.


Aborder la filmo de Spielberg, c'est reconstituer un puzzle aux mille pièces disparates (qu'est-ce qui rassemble "Empire du Soleil" et "Le terminal"?) mais dont la somme constitue un tout évident. Chaque production peut être disséquée comme une oeuvre unique mais une seule en constitue la charnière centrale. En 2011, «Cheval de guerre" ouvre le bal d'un cycle classique de L'Âge D'Or. Si le cinéaste rêve toujours son cinéma en un ratio parfait de 2:35, sa photo s'illumine de jaune, de rouge incandescent et d'orangé en hommage à un Technicolor disparu. Les productions Selznick et de la RKO dans le rétro, Spielberg s'offre son hommage a lui sans calque grotesque ni mimétisme stérile. Seulement animé par la passion laissée par ses Maîtres, les formes modernes aux mouvements d'appareil alambiqués se créent avec en son sein les contradictions de l'homme, sa lutte pour la liberté, ses croyances et ses espaces.


Au travers de sa lutte cinématographique, Spielberg atteint la forme séminale de ses ainés. "Cheval de guerre" épouse toutes les compositions des cinéastes de premier plan des années 30 et 40, Ford et Fleming en tête. Le rattachement à la terre, la succession des générations, l'emprunte sociale des petites et grandes classes, les espaces étendues renaissent devant l'objectif d'une oeuvre qui semble entretenir un lien directe avec "Les raisins de la colère" ou "Autant en emporte le vent". Les uniformes se dessinent en une perfection semblable à la cavalerie des nordistes du "Massacre de fort apache" et les femmes de caractère cadrées de dos attendent leurs moitiés sur le perron de la porte.


Tous ces photogrammes sont le retour à la minéralité d'un cinéma rare dont le réalisateur de "Ready Player one" en a fait son cheval de bataille des années 2010. Spielberg fut l'entertainer de quatre générations et comme un retour aux vieilles traditions, il revient à l'essence de son Art laissant Hollywood dans sa quête de franchises. Le retour aux affaires et à la démonstration de force et de légèreté sera pour bientôt avant d'enfoncer à nouveau ses mains dans la glaise et de pourfendre l'oppresseur devant l'orphelin.

Star-Lord09
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le 22 mars 2018

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