Si Géricault avait réalisé un dessin animé...

C'est un choix relativement intéressant que me pousse à faire ce cadre étriqué de notation divisant distinctement la sensibilité à une oeuvre en 10 parties solidement distinctes et séparées. Intéressant parce que ça pousse à faire des comparaisons inattendues qui font revoir parfois entièrement le jugement et la vision qu'on a d'un film.


J'avais mis 7 à L'Odyssée de Pi, un film que je n'ai pas trouvé incroyablement exceptionnel mais qui m'a apporté une brise de douceur dans un climat filmique actuel de séquelles, préquelles, remakes et autres reboots dopés à du gros Hans Zimmer tambourinant synthétiquement, comme hurlant pesamment sa présence imposante et écrasante sur le paysage cinématographique. L'Odyssée de Pi était une jolie histoire racontée, un conte avec un tigre, des suricates aux yeux turquoise et une baleine fluo. C'était tout joli et j'ai pris un grand plaisir à me faire conter cette petite fable sans chercher plus intérieurement autre chose que l'histoire merveilleuse qu'on écoute avant de partir rejoindre Morphée. Et bam ! l'envie de donner mon avis sur War Horse et de le noter me pousse inévitablement à comparer ces deux films, ayant pris l'oeuvre de Spielberg exactement de la même façon. Seulement, dans une telle conception des choses, il y a un point qui reste indéniable et qu'on ne peut en rien retirer au papa d'E.T., c'est qu'il est peut être un des plus fabuleux raconteurs d'histoires qu'Hollywood ait pu générer.


Cette note de 8 est d'avantage un remerciement au conteur qu'un applaudissement au réalisateur.


Et c'est aussi un encouragement, un "enfin !" soulagé pour les retrouvailles avec un peu du gars qui a réalisé mes rêves de gosse.
Je lis que Spielberg plonge inlassablement dans un pathos abyssal, jouant du tire-larmes à outrance avec une facilité plus qu'agaçante. Et c'est indéniable. Mis à part que je n'aime pas le mot "pathos" que je trouve inapproprié pour ce film, le tire-larmes est une composante récurrente du réalisateur plus que jamais majeure dans ce film. Je n'dirais pas le contraire, ça non, je dois bien avouer que tant la première fois que la seconde, je me suis déshydraté par les yeux comme ça ne m'était pas arrivé depuis bien des lustres. Mais allez savoir, je m'en fous. Est-ce dû au fait qu'il y ait écrit "Spielberg" sur l'affiche ? Surement en partie, même ça je dois bien le concevoir. J'étais prédisposé à donner une chance à ce film dès que le projet avait été annoncé 2 ans auparavant. Et ce n'était pas pour autant gagné. Je suis allé vers celui-ci à reculons, comme par obligation, l'obligation que l'on s'impose sans raison de regarder contre son gré les dernières images qu'a à montrer un gars qui nous a fait rêver, comme par un respect déraisonné d'un aïeul vieillissant dont on vient écouter les quelques murmures radoteurs, aussi ennuyeux que chargés d'une nostalgie savoureuse.


Après Munich et avant Lincoln, il me fallait voir ce petit film au ton léger, délesté de toute ambition scénaristique sclérosante, où qui sait, pourrait-on retrouver un peu de l'art unique de mise en scène du gars qui jadis faisait un film avec une coque de bateau, trois types et un requin en plastique.

Et ce n'était pas encore gagné parce que le dit film parle d'un cheval. Et moi, voyez, je suis un mec et j'ai une image de gros badass à entretenir. Une image qui me fait directement préférer l'histoire d'un gros tigre plein de dents et de griffes sur un canot de sauvetage. Nan nan, les chevaux, très peu pour moi. Spielberg, rends nous le requin-bulldozer et les velociraptors !
Bon, c'est pas tout à fait ce qui se passait dans ma tête, mais il est vrai, je l'avoue, le cheval n'est pas un de mes intérêts principaux du haut de ma grande admiration pour le règne animal, et le fait que Spielberg en fasse sa nouvelle star n'était pas forcément pour me faire jubiler d'impatience. Et pourtant...


Ce con là m'a fait aimer les chevaux. De la même façon que je ne regarde plus le ciel de la même façon depuis Rencontres du Troisième Type, je ne peux plus voir un cheval avec la même indifférence depuis War Horse. Parce qu'il faut oublier tout le reste. Le gars qu'on voit sur l'affiche du film, c'est pas le héros, pas plus qu’Émilie et son père, les deux français ou un quelconque officier anglais ou allemand, non non. Le seul et unique personnage de ce film est le cheval. C'est comme ça qu'il faut voir ce film à mon sens, et c'est seulement en ça qu'il se déleste des prétentions qu'on pourrait lui faire porter. War Horse est l'histoire du périple d'un cheval extraordinaire à travers une horreur humaine tout à fait ordinaire. Et c'est à l'extraordinaire qu'on prête attention. Un extraordinaire animal caressant l'irréel du sabot dépeint dans une fresque picturale ahurissante.


On dira ce qu'on voudra de Janusz Kaminski, directeur de la photographie pour Steven depuis La Liste de Schindler. Parfois, il a une certaines tendance à forcer ses effets il est vrai, pouvant aller jusqu'à alourdir le ton du récit. Mais nan en fait, pas du tout (là du coup c'est moi qui parle), j'trouve juste ça magnifique. Cette imagerie est le plus beau soutient qui soit à l'évolution de l'animal qui lui n'a rien de faux ou d'artificiel. Un vrai cheval que nous montre Spielberg, bien réel, sautant par dessus les barbelés, les tranchées et les tanks avec la grâce d'une Valkyrie aussi magnifique que tangible, galopant sur un sol qu'il ne semble même pas fouler, planant comme une rêverie au dessus d'un décor de désastre et d'horreur accompagné d'un John Williams enfin retrouvé après sa longue hibernation. Le cheval est vrai, et c'est le seul acteur principale de cette histoire. Et rien qu'en ça, le conte du cheval de guerre est bien plus beau visuellement que le conte du tigre du canot et de la baleine-luciole.


Le duo Spielberg-Kaminski créent une succession de tableaux mouvants, comme une galerie de Vermeer prenant vie. Les chevaux de Géricault réveillés. L'image est tout bonnement superbe et sa tendance à la surcharge n'est jamais aussi justifiée que dans ce film ou l'image associé a cet art de la mise en scène désormais conventionnel pour Spielby, prend la teinte du conte pour enfant qu'il est.
Et c'est là que le véritable problème survient, l'énorme bémol que je trouve à ce film, cette impression que la hâte a poussé Spielberg vers un choix indécis, le forçant à couper la poire en deux et laissant un gout quelque peu fade sur le bout de la langue.
Conte familiale ou film pour adultes ? C'est le choix qu'aurait du faire Spielberg qui nous livre une oeuvre amalgamée et parfois indigeste de Hook et Il faut sauver le Soldat Ryan. Si Spielberg avait su faire ce choix, mais réellement le faire, ce qui aurait impliqué de revoir en partie certaines scènes et certains personnages et surtout de faire un compromis plus justifié entre les langues parlées, j'aurais pu avoir l'immense joie de hurler "SPIELBERG EST REVENU POUR DE BON !!"... mais non. Le tire larme est en effet usé à outrance et en longueur, efficace mais sentant la facilité attractive d'un message pseudo rassurant mais faussé du "je suis encore là les enfants, j'ai encore des trucs à raconter". Et surtout, le point qui m'a direct empêché d'apprécier ce film totalement, le plus gros point noir du film : Les langues. Dans ce conflit insensé et sanguinaire, où chacun s’entre-tue et pille son voisin machinalement, sans même comprendre pourquoi on lui demande, sous le couvert des fusils et des lames, ou le sang jaillit d'enfants naïfs ne voulant que fuir un monde mortel qu'ils ne comprennent pas, anglais, allemand et français parlent la même langue dans un but évident d'ouvrir le film au public le plus large.


Ce choix commercialement justifié est presque impardonnable pour Steven qui aurait pu tenir ici sa nouvelle fable si seulement il ne s'était pas laissé lui même engloutir par l’autocollant que son public lui placarde sur la tronche depuis des années : le bon gars du divertissement familial.


Mais... ce con là a réussi à me faire aimer les chevaux.

zombiraptor

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10

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