Cet exceptionnel coquin de Bunuel, dont l'imagination toujours bouillonnante, aime entraîner le spectateur dans un univers onirique où toutes les fantaisies surréalistes sont permises, nous livre ici, une savoureuse histoire de frustration et nous ouvre avec talent les portes de l'irrationnel.


Mathieu Faber (Fernando Ray) raconte aux compagnons de voyage de son compartiment de train, sa liaison infernale avec la séduisante Conchita qui prend un plaisir cynique à le charmer puis à se refuser à lui. Cette diabolique maîtresse est incarnée par deux actrices, l'ardente Angela Molina et la glaciale Carole Bouquet, certainement pour illustrer la succession d'incendies charnels, allumés puis éteints par cette pyromane-pompière !!!


Bunuel, on le sait, adore le rêve, même s'il est cauchemar... c'est d'ailleurs ce qui l'a entraîné dans le mouvement surréaliste... il les a systématiquement introduits dans ses films, sans forcément, vouloir une intention rationnelle... Il raconte par exemple, dans ses mémoires qu'il a fait 100 fois le rêve du train, qui s'arrête dans une gare, il veut faire une petite pause à l'extérieur... et au moment où il pose le pied sur le quai, comme un éclair, le train s'en va avec ses bagages ! Ici, il y insérera la séquence très drôle du seau d'eau vengeur, jeté depuis la porte du train par le contrôleur et sur ordre de Mathieu, sur la tête de Carole Bouquet.
Il excelle dans les trouvailles cocasses, la plus drôle étant celle du corset en toile de sac à patates, à enchevêtrements serrés de lacets, découvert en conclusion-verrou de l'escalade de son offensive amoureuse... scène qui fait écho à un de ses rêves érotiques récurrents, où, quand il croit venu le moment de la pénétration, il trouve un sexe cousu, obturé ou effacé, comme sur le corps lisse d'une statue …
Quant à la symbolique du terrorisme évoquée dans ce film, elle est liée au mouvement surréaliste et anarchiste... André Breton disait: "Le geste surréaliste le plus simple, consiste à sortir dans la rue, revolver au poing, et à tirer dans la foule", fantasme auquel il est difficile d'adhérer actuellement et qui lui aurait valu d'être fiché S !!!


En tout cas, son histoire aussi est bien ficelée, non pas avec des liens de jute, mais avec des liens hypnotiques efficaces qui captivent bien notre attention sur les méandres de la frustration amoureuse...


Pour la petite histoire et de la plume de Bunuel/ JC Carrière, la scène dans laquelle Mathieu emporte un sac de jute rempli de linge sale, aurait pu être remplacée par la même scène, sans le sac de toile... l'équipe de tournage a jugé que la scène était meilleure avec le sac !

Juliette-Cinoche
9

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Films préférés

Créée

le 13 août 2017

Critique lue 1.3K fois

7 j'aime

Critique lue 1.3K fois

7

D'autres avis sur Cet obscur objet du désir

Cet obscur objet du désir
Sergent_Pepper
8

Les implosions perdurent

Après une indépendance d’écriture totale, Buñuel et Carrière reviennent à l’adaptation littéraire en choisissant La femme et le pantin de Pierre Louÿs, qui concentre des thématiques déjà largement...

le 19 févr. 2021

18 j'aime

Cet obscur objet du désir
-Marc-
5

"Et le désir s'accroit quand l'effet se recule"

Bunuel transpose le sado-masochisme de pierre Louÿs dans la lutte des classes. Au travers de ce bourgeois, c'est toute la société qui est masochiste. Ce grand bourgeois accepte toutes les...

le 5 mars 2014

15 j'aime

Cet obscur objet du désir
MrOrange
9

L'aboutissement d'une carrière.

Voilà le film-testament, le dernier film que Luis Bunuel a réalisé. Cet Obscur Objet du Désir est, d'après ce que je sais du style Bunuel avec les six films que j'ai vu de lui, est son oeuvre...

le 26 août 2012

13 j'aime

Du même critique

La La Land
Juliette-Cinoche
9

Sensations musicales et dansantes autour du sens de la vie

"J’ai tendu des cordes de clocher à clocher, des guirlandes de fenêtre à fenêtre, des chaînes d’or d’étoile à étoile et je danse"... écrivait Rimbaud dans ses délires poétiques...Ici Damien Chazelle...

le 24 janv. 2017

19 j'aime

2

Moi, Daniel Blake
Juliette-Cinoche
10

Ce système qui nous broie

Un film absolument bouleversant qui nous raconte le parcours administratif kafkaien de Daniel Blake pour faire valoir ses droits, suite à un infarctus qui va l'empêcher de reprendre le travail. Ce...

le 26 oct. 2016

16 j'aime

6

La Sociale
Juliette-Cinoche
10

Un ilot social à préserver

La Sociale Film de Gilles Perret Que tout le monde aille voir ce documentaire hautement instructif, qui rafraîchit bien notre mémoire collective, sur l'avancée sociale énorme qu'a été la création,...

le 13 nov. 2016

14 j'aime

5