Cendrillon
6.5
Cendrillon

Long-métrage d'animation de Clyde Geronimi, Wilfred Jackson et Hamilton Luske (1950)

La magie et le révisionnisme à l'épreuve d'un classique Disney

Disney, pour moi, c'est l'incarnation presque ultime de la magie de l'enfance. Celle où je voulais voir des "dessinimés". Celle où j'allais voir les reprises de Cendrillon ou Le Livre de la Jungle au cinéma, entouré de Papa et de Maman et où les grands classiques, à la télé, voyaient leurs cassettes VHS passer et repasser nonobstant l'usure de la bande magnétique.


Cendrillon fait partie intégrante de cette jeunesse, la mienne, et de cette magie qui perdure encore aujourd'hui. Celle qui me pousse à m'intéresser à l'envers du décor ou à investir dans les bouquins de Pierre Lambert ou de chez Chronicle Books, Dreamland ou Hyperion.


Quatorzième long métrage du studio aux grandes oreilles, Cendrillon signe un nouveau départ et prolonge cette magie. Visuelle, évidemment, tant le graphisme se montre magnifique, tant l'animation se montre agréable à l'oeil, entre l'hyperréalisme des personnages principaux et l'aspect goofy de certains seconds rôles. Les couleurs sont chatoyantes, les décors superbes. Le conte est à son paroxysme, dans le désespoir de l'esclavagisme subi, contrebalancé dans les moments d'un humour bienvenu laissant le champ libre aux facéties des inoubliables Jaq, Gus et Lucifer. L'alchimie entre l'image, l'animation et la musique, elle, ne cesse d'émerveiller.


Cendrillon, c'est aussi des scènes qui restent en tête comme des instants de maîtrise ultime de l'animation et d'effets visuels qui, encore aujourd'hui, tiennent la distance, comme ces dizaines de bulles de savon irisées reflétant l'héroïne en train de travailler.


Mais tout ceci n'est rien en comparaison de cette scène immortelle d'émerveillement où la magie des studios Disney enchante une vulgaire citrouille, des souris, un chien et un cheval pour donner naissance à un carrosse s'inscrivant directement dans l'éternité de l'imagerie des contes de fées.


Le chef d'oeuvre est là, évident, instantané, d'un rythme étudié, d'une beauté constante sous le sceau du romantisme allemand, et de bons sentiments qui ont marqué des générations d'enfants.


Sauf que ce statut doit en hérisser plus d'un, au vu des critiques adressées, fleurant bon une certaine idée bien pensée du révisionnisme totalement hors sujet, niant la qualité même de conte à l'oeuvre made in Disney.


Car Cendrillon serait, pour certains, l'archétype des vilaines valeurs arriérées, de l'exploitation et de l'asservissement féminin, du conditionnement des petites filles à la maternité et à l'illusion du grand amour...


Pff.


Désespérante, aberrante d'anachronisme bien pensant et de progressisme hors de propos et hypocrite, une telle position s'arrête malheureusement, faute de réelle compréhension du matériau, à l'essentiel des motifs irriguant la sève propre aux contes de fées.


Sûr qu'ils n'ont gardé en mémoire qu'un bal, qu'une chanson (un peu) nunuche ou la promesse d'une vie heureuse et assortie de beaucoup d'enfants...


Mais ce serait faire assurément l'impasse sur le fait que, au contraire de son aînée, Blanche Neige, Cendrillon ne se contente pas de rester assise à rêver du grand amour. C'est elle par exemple, qui se présente au Prince, et non celui-ci qui va au devant de la pauvre souillon pour la libérer de la séquestration et de l'esclavage exercés par sa belle-mère. Ce prince, par ailleurs, indolent, de peu de mots, se contente, au terme d'une fête pour lui préparée, de céder au seul attrait de la beauté parfaite de la femme des années 50 que l'héroïne représente. Pas sûr que la "domination mâle", en ressorte bien grandie...


Tout comme notre Cendrillon peut, à l'occasion, montrer une certaine ironie au détour d'une scène chant, loin de l'unilatéralité de son rôle de victime...


Le masqué n'est pas en train de vous faire avaler que Cendrillon, ce serait le film terminal pour la libération de la femme, non. Mais l'oeuvre est, tout simplement, le reflet de son époque, très 50's, quand on donnait à celle-ci de plus en plus de droits tout en la confortant, plus ou moins consciemment, dans son rôle immémorial.


Ainsi, confronter un film de presque 70 ans à une grille de lecture des valeurs actuelles et décrétées du haut d'ergots guerriers, en plus de constituer une absurdité incompréhensible, révèle bien plus de l'hypocrisie ambiante que des idées jugées rances qu'il véhiculerait.


Mais on n'est plus à cela près, n'est-ce pas ?


La magie est donc définitivement éteinte dans ce triste monde cynique.


Behind_the_Mask, ♫ pour ses trente ans, est la plus triste des mamans...

Behind_the_Mask
9
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le 25 déc. 2018

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Behind_the_Mask

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