"Ce qui nous lie" ouvrirait-il une nouvelle période dans le cinéma de Klapisch qui, l'âge aidant,
après avoir beaucoup évoqué les différents aspects de la jeunesse en viendrait à aborder l'âge de la maturité
? Dans les futures rétrospectives, on parlerait alors de cycle "Ce qui me meut" (sa maison de prod depuis le début), ou celui qui a radicalisé son approche filmique vers plus de sagesse : "Ce qui nous lie"... Nous n'en sommes pas là. Mais depuis "Paris" (d'une maladresse incroyable !) ce n'était plus tout à fait ça. Fougue, originalité, espiègleries et une manière unique de filmer les corps comme des villes et les villes comme des corps étaient des plus plaisants. Vous l'aurez compris, j'amie beaucoup Klapisch ! "Rien du tout", "Le péril jeune" et "Chacun cherche son chat" m'ont franchement décontenancés et emballés. Je les revois à chaque fois avec ce même plaisir qu'à l'époque, ces films sont presque intemporels et du grande justesse dans les traits et situations que vivent chaque "héros", modestes mais tellement désintéressés et aguerris. Et puis après il y a eu "L'auberge espagnole" et ses déclinaisons... plaisirs, soupirs, rires...


Avec "Ce qui nous lie", adieu citadins, courées, artères polluantes, pollution, voyages... Jean pose son sac dans un agreste décor, celui du domaine familial, après 10 ans d'absence. Ne reste plus comme survivants de cette époque de colère pour lui que sa sœur et son petit frère, ainsi que quelques fidèles (la maitre du Chai et quelques ouvriers...) et bien évidemment les vignes.


Situation des plus classiques. Quel héros de séries TV n'a pas passé au moins un épisode dans un domaine viticole, avec une toile de fond plus ou moins éloignée ? Pour Klapisch, l'intérêt n'est pas là, mais bien dans la nouvelle relation qui va s'ouvrir à la fratrie, Jean, Juliette et Jérémie, les 3 J.


Le choix des acteurs (Klapisch excelle toujours dans ce domaine) était essentiel. Anna Girardot, Pio Marmai et François Civil sont parfaits (François Civil à suivre très attentivement !). Ils apportent tous trois suffisamment de subtilité, de force intérieure et de charme, que l'envie de les découvrir ne se fait pas attendre. Ils rendent à leurs personnages une belle authenticité et c'est le grand atout du film.


Là où l'on se dit que "Ce qui nous lie" est un peu pauvre c'est dans l'absence totale de troisièmes ou quatrièmes rôles hauts en couleur que le réalisateur affectionne tant. Cela aurait ajouté une petite touche d'humour, pourquoi pas de tendresse... venant casser le coté par trop linéaire du scénario.


Bien évidemment qu'en campagne il y a aussi des Madame Yvonne ("Rien du tout), des Tomasi ("Le péril jeune"), des Djamel ("Chacun cherche son chat") ou bien encore des Martine ( "L'auberge espagnole"). Tous ces petits personnages qui fourmillent dans la filmographie de Klapisch ponctuant le propos. Pour avoir vécu 20 ans dans la campagne profonde je peux certifier qu'il y avait matière !


"Ce qui nos lie" n'est pas un très grand film, mais je l'apprécie beaucoup. Cette interrogation constante qui nous occupe tous sur les choix de vie (passés et à venir) est brillamment amenée. De même la remise en question de liens qui réconfortent ou emprisonnent l'individu au cœur du tissu familial. Si l'on ajoute à cela de belle prises de vue, cette précision autour des étapes de vinification pendant tout le film, on se dit que Klapisch n'est pas passé loin d'une œuvre de référence.


Et pour les injustes critiques que je peux lire ça et là, n'oubliez jamais que Ridley Scott, titillé lui aussi par les grands crus, à signé ça Une grande année et ça croyez moi c'est de la piquette !

Créée

le 19 juin 2017

Critique lue 593 fois

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Fritz Langueur

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