Un sommet mythologique de l'art hollywoodien

Je croyais revoir un film vieilli et peu captivant, mais je me trompais, c'est un film qui a conservé son aspect mythique et toute sa magie, un des plus beaux mélodrames du cinéma dont chaque visionnage permet de découvrir des attraits nouveaux. Dès les premiers plans, le décor est posé, c'est celui de Casablanca avec sa population cosmopolite et interlope où se côtoient dans un étrange chassé-croisé trafiquants, réfugiés, partisans du nazisme, banquiers, touristes américains et résistants.
Face à cette population grouillante, il y a le smoking blanc de Rick, le patron du Café Américain, et il va suffire de quelques notes de "As time goes by" pour que le film bascule dans le romanesque. Depuis sa sortie en 1943, Casablanca reste un des films phares de Hollywood à cette époque de guerre ; souvent imité, notamment par Curtiz lui-même dans Passage to Marseille, il reste inégalé et bénéficie des plus remarquables techniciens, notamment la musique de Max Steiner, et des meilleurs acteurs (outre le couple Bogart-Bergman), Conrad Veidt, Paul Henreid, Claude Rains dans le rôle de l'inoubliable capitaine Renaud, sans oublier quelques troisièmes couteaux de grande valeur comme Peter Lorre, Sidney Greenstreet, S.Z. Sakall, Marcel Dalio (alors réfugié à Hollywood), Dan Seymour ou John Qualen...
Film de circonstance (l'Amérique venant d'entrer en guerre) auquel la Warner alloue un gros budget, il a vu son casting modifié puisque Bogart a remplacé au dernier moment Ronald Reagan mobilisé, et Ingrid Bergman a remplacé Ann Sheridan qui elle-même avait succédé à Hedy Lamarr initialement prévue. Le rôle de Lisa lança la carrière de Bergman à Hollywood. Au premier degré, le film plaide l'interventionnisme américain, mais le mythe de ce film est né du brassage des genres entre le film noir, le film à suspense, le film romanesque, les impératifs de ceux qui luttent pour la liberté, et le cosmopolitisme où l'irréalisme est accentué par le tournage en studio. Reste un romantisme désabusé et une certaine vision de l'héroïsme et des nobles causes.
Quelques scènes demeurent inoubliables comme celle où Paul Heinreid fait jouer la Marseillaise pour couvrir l'hymne allemand, la scène entre Bogart et son pianiste, et naturellement la scène finale sur l'aéroport brumeux, avec la réplique entre Bogart et Claude Rains. Un film très célèbre, qu'il faut avoir vu et qu'il faut même revoir plusieurs fois comme tout grand classique.

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le 7 déc. 2017

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