Après avoir amorcé son analyse du monde du travail et son aliénation via la comédie Discount, Louis-Julien Petit continue son étude en changeant d’environnement. Exit la grande distribution low-cost, l'auteur nous plonge dans la vie des sociétés de services et plus précisément la vente par correspondance téléphonique.


On découvre le management de la société poussant les employés dans une compétitivité constante arbitrés par des supérieurs puérils et despotiques. Au cœur de ces relations tendues, Carole Matthieu est le seul salue pour certains employés mal en point. On découvre son quotidien, ses pensées, son altruisme et sa difficulté à trouver un équilibre entre vie professionnelle et personnelle.


À partir de ce matériau bien taillé, l'auteur décide d'y ajouter une trame policière afin de rendre l'ensemble plus dramatique. L'intention est louable, car montre les dérives de ce système dans ces aspects les plus extrêmes. Pour autant, bien que l'élément déclencheur (la mort d'un collaborateur) est bien amené, la gestion de cette intrigue est bancale. En effet, l'enquête se retrouve distillée tout au long de l’œuvre sans réellement avoir d'incidence sur le récit. Il n'est pas suffisamment présent pour être pris au sérieux et décrédibilise l'ensemble.


De même, en adoptant le point de vue de Carole Matthieu, l'auteur choisis de décrire cette réalité non pas au travers des premières victimes de ce système, mais de ceux qui essaye de les aider. De ce fait, nous voyons comment les dirigeants justifient leur politique entrepreneuriale autant que les conséquences de celle-ci. Un parti-pris judicieux mis à mal part le traitement du personnage incarné par Isabelle Adjani.

En effet, ce dernier est décrit comme une personne sensible incapable d'être suffisamment détaché pour appliquer les mesures les plus adéquates. Un constat rendant le personnage terriblement attachant car fragile. Pour autant, la façon dont le réalisateur retranscrit les tourments de cette personne a tendance à tourner en ridicule ces situations. L'auteur essaye de faire passer l'ensemble des dualités vécues par Carole Matthieu en scrutant la moindre de ses expressions. Le souci est qu’Isabelle Adjani a un visage bien trop lisse pour que l'effet voulu fonctionne. Le résultat se résume souvent à se retrouver face à l'actrice en train d'écarquiller les yeux.


En somme, Carole Matthieu est une expérience cinématographique terriblement frustrante. On ressent la volonté de l'auteur à offrir une vision des plus justes sur la dérive de certaines méthodes de management. Pour autant, la mise en forme ne suit pas, les parti-pris empêchent de s’immerger totalement dans cet univers. Une déception tant le sujet était prometteur. On espère donc que le prochain projet de Louis-Julien Petit permettra d'apprécier pleinement le talent de celui-ci.

tzamety
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le 24 févr. 2017

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