Il y a quelque chose d’extrêmement bipolaire dans Captain Fantastic. D’un côté il y a ce côté « bulle de confort » dans lequel le film arrive à te plonger, à l’aide d’une bonne dose d’un humour bien senti et d’un décalage du quotidien des personnages principaux, avec ce que n’importe quel spectateur lambda ne connait pas ou peu ; et de l’autre, il y a cette espèce de malaise qui s’en dégage, toujours à l’aide des mêmes raisons. Le gros piège de ce genre de production, identifiée comme étant du « cinéma indépendant » (je n’aime pas ce terme) réside souvent dans la faculté du chef à bord (le réalisateur donc) à pouvoir nous raconter son histoire sans tomber dans un pathos bien trop souvent présent qui, contrairement à son intention première, crée une barrière émotionnelle entre le film et le spectateur.


La première chose qui saute aux yeux au visionnage est que le film est beau. Matt Ross est à l’aise au milieu de la nature la plupart de ses plans dégagent un état d’esprit de bien être et une bienveillance qui sied bien au propos du film. Son but n’est évidemment pas de faire passer un message écologiste (bien que cet aspect soit parfois un peu trop forcé par moment), mais de s’intéresser aux liens familiaux de ses personnages et des conséquences que peut engendrer ce mode de vie si particulier. En ce sens, il arrive à créer un double décalage pour étayer son propos.
Si dans un premier temps, on se prend d’affection pour cette famille de hippies (appelons un chat, un chat), leur arrivée dans la civilisation marque une opposition forte, notamment exprimée à travers les yeux des enfants, ce qui permet à Matt Ross de créer un premier décalage humoristique, très simple, basé sur du comique de situation et de parole (le repas chez la soeur de Ben, la scène de l’éloge funèbre etc…). Le deuxième niveau de lecture intervient dans les simples conséquences de ce premier décalage. Si la conviction de Ben (formidable Viggo Mortensen) semble être noble au premier abord, il en devient rapidement effrayant tant il dégage une forme d’extrémisme, qui effraient d’ailleurs les membres de la famille vivant à la ville (pour schématiser). Et ce deuxième aspect dévoile les réelles intentions du réalisateur, s’appliquer à étudier les relations entre les différents membres de la famille afin d’en tirer une force émotionnelle. Et c’est sur ce point que le film est réellement fort, puisqu’il arrive à transmettre un bon nombres de sentiments au spectateur, sans tomber justement dans un pathos qui dessert trop souvent ce genre de films.


Malheureusement, l’exercice est extrêmement compliqué et le film s’éternise beaucoup trop sans vraiment savoir où il va. En accumulant les problèmes de rythmes après toute la séquence de l’enterrement, Matt Ross se perd dans son histoire, ne sachant plus sur quel pied danser, voulant souvent aller trop vite, en témoigne la façon dont il expédie le personnage de Frank Langella, alors qu’il amenait justement un contrepoids bien senti à la façon de penser de Ben.
Mais heureusement, la très jolie fin du film permet d’oublier un peu ces égards. Car même si le film s’accélère, c’est au moins pour nous emmener rapidement à cette smagnifique séquence de fin, qui dénote un joli happy end. Même si je trouve l’ultime scène de trop, malgré la justesse avec laquelle elle est filmée. Comme si Matt Ross se sentait obligé de nous montrer que tout finit bien, et que tout le monde a fait des efforts pour vivre mieux. On tombe un peu dans le pathos que le film évitait très bien jusqu’ici.


Captain Fantastic n’en reste pas moins un bon film, qui apporte un vent de fraîcheur et de liberté bienvenu. Et même si la fin se perd un peu en voulant accélérer un rythme qui lui allait très bien jusqu’alors, il n’en reste que le film va au bout se sa façon de penser et de ses idées. Juste montrer l’histoire d’une famille, qui veut vivre libre, avec la nature, certes, mais surtout ensemble, peu importe les épreuves.

Strangelove
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le 11 mai 2017

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