Au sortir de la séance, j'étais bien embêtée pour dire ce que je pensais exactement de ce film.
De Labaki, j'avais déjà vu les 2 précédents longs métrages et attendais avec impatience la sortie de ce dernier opus. Et maintenant on va où est bien placé dans mon top 10 film, c'est un film qui, de par son sujet - la reprise des querelles fratricides entre chrétiens et musulmans - l'humour, le recul et l'autodérision avec lequel ce dernier était traité, la fantaisie qui l'animait et les accents chantants, la culture, qui font partie de moi, de mon enfance, m'avait profondément touché. En apprenant que dans Capharnaüm, Labaki traitait de migrants syriens, de Beiruth, en voyant la bande annonce me promettre le procès qu'un petit garçon à la moue joliment boudeuse attente à ses propres parents, je m'étais dit, chouette, ça va être un joyeux n'importe quoi pour me parler de tout ça.


Et puis non. La réalisatrice n'a pas pris le recul qu'elle avait dans ses deux précédents films avec son nouveau sujet. Son film est au premier degré, y transparaît beaucoup de sincérité dans sa démarche, une émotion palpable et une profonde compassion. Est-ce que l'impossibilité pour elle de s'identifier à ses héros, elle qui s'était mise en scène et au premier plan dans ses deux précédents films, l'a empêché de traiter avec humour ses héros, comme si elle avait peur de leur manquer alors de respect? Est-ce que la tendresse fraternelle qu'elle a pour ses compatriotes la laisse plus créative que la révolte qu'elle éprouve et exprime - dans son film et dans les interviews qu'elle donne à son sujet - face aux conditions des migrants - au Liban et dans le monde?


Labaki tente quelques touches d'humour qui font tâches au milieu de tous ces malheurs. Elle compte sur les grands yeux de Zain, la mignonne petite bouille de Yonas et le joli visage de Tigest/Rahli pour nous tirer les larmes. Elle est allée chercher pour son film des personnes qui ne sont pas des acteurs, elle leur a présenté les situations des personnages sans leur écrire de dialogues et les a laissé faire le reste. Pour ce qui est de sa démarche esthétique, elle a décidé de placer sa caméra à hauteur d'enfant, pour laisser son héros occuper tout l'espace. Et elle a pensé que ça s'arrêtait là. Elle a pensé que le sujet était suffisamment fort pour qu'elle n'ait pas à avoir une démarche artistique autre que celle-là.


Ce manque de recul m'a gênée. Bien sûr que je suis touchée par le sort des héros, bien sûr que je trouve Yonas et Zain trop mignons, mais j'étais allée voir un film et j'ai eu l'impression de voir un brouillon qu'elle réécrirait pour le réenchanter.

EIA
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le 21 oct. 2018

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