Comme les héros de Stephen King, il me fallait revenir à Derry, affronter mes pires peurs : que après le pitoyable premier chapitre de l'adaptation grotesque par Andy Muschietti du meilleur bouquin de King, le second soit encore plus lamentable... ce qui semblait être par ailleurs le consensus critique.


Et de fait, ce crétin cubique de Muschietti et sa bande de scénaristes mous du bulbe ont réussi l'exploit d'un film de près 3 heures où l'on est bien en peine de trouver une seule minute qui soit sauvable. Car si on imaginait bien que la cure de jump scares, musique tonitruante et situations incohérentes serait une nouvelle fois au menu, on pouvait encore espérer que quelque chose du thème passionnant du livre serait préservé...


Or, au lieu de la magnifique parabole politique de King sur la société américaine dévorant ses propres enfants, on nous raconte une variation bâtarde d'Alien, avec extra-terrestre polymorphe installé sur terre depuis des millions d'années, etc. Car dans l'Amérique de Trump, le mal est forcément le produit d'une invasion de l'extérieur, et les vrais Américains sauront l'affronter et en triompher en appliquant les bonnes vieilles recettes du western : l'union fait la force, les plus faibles doivent se sacrifier pour la survie du groupe et ne pas constituer un obstacle, et à la fin, les losers aussi trouvent leur place dans la société américaine.


Détestable, le film l'est depuis sa première scène, lorsqu'une violente agression homophobe - sans doute mise là pour faire plaisir à notre ami Xavier Dolan, fan inexplicable du premier film -, se termine contre toute logique par une intervention du "clown" : on sait bien que les rudes Américains qui n'aiment pas les tapettes ne sauraient commettre l'irréparable, et que la mort ne peut être appliquée au pauvre pédé (qui l'a d'ailleurs bien cherché en se montrant provocateur...) que par un migrant étranger aux instincts forcément criminels. 


Il faut également réaffirmer notre surprise devant la démarche même de l'adaptation du livre : il s'agissait d'abord a priori de séparer en deux chapitres les deux périodes durant lesquelles se déroule l'action, et de renoncer du coup à la richesse des échos et correspondances entre âge adulte et enfance qui sont l'un des grands leviers de construction des personnages et de la fiction de "ça". Sauf que, clairement, les scénaristes se sont rendu compte que le chapitre "adultes" ne pouvait pas fonctionner sans les références aux scènes de "l'enfance", qu'ils ont donc dû réinjecter dans ce "Chapitre 2", créant ainsi un nombre absurde d'incohérences par rapport à l'histoire qui a été déjà contée dans le "Chapitre 1". Cela en serait drôle si ce n'était pas aussi "amateur", et si cela n'accentuait pas encore le principal défaut des films, cette construction par accumulation saturée et épuisante de scénettes horrifiques sans logique réelle et ne menant à rien.


J'ai lu ça et là que certains sauvaient du naufrage l'interprétation de James McAvoy et de Bill Hader, mais honnêtement, au milieu d'un tel merdier, je ne vois pas comment on se peut encore se préoccuper du jeu des acteurs.


PS : Triste quand même de voir le maître lui-même apparaître dans une scène symbolique mais ridicule, affirmant ainsi son soutien à une "oeuvre" qui méprise aussi ouvertement et ses idées et ses valeurs.


[Critique écrite en 2019]

EricDebarnot
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le 18 sept. 2019

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Eric BBYoda

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