Quelques minutes suffisent pour tomber sous le charme. A vrai dire, l’affiche elle seule avait déjà fait son œuvre : le duo Newman/Redford, le western, la gâchette acérée…Nous voilà d’emblée les conquis de l’Ouest.
Humour, braquage, nonchalance : l’irrésistible duo fait des ravages dans les cœurs et sur les rails, nourrissant la légende de gentlemen cambrioleurs. S’extrayant du sépia en plans fixes de la légende, ils déambulent avec la classe innée des grands de ce monde.
La vie est un jeu, le vol un défi, une joyeuse façon de sortir les wagons de leur train-train. Butch & le kid partagent tout : le butin, leur amour pour Etta, jusqu’à leur prise de parole, que l’un énonce et que l’autre traduit en espagnol lors de la partie bolivienne.
La nature est superbe, Burt Bacharach accompagne les virées à vélo et le soleil brille.
Que faut-il faire de plus pour nous satisfaire ?
Mettre un terme à tout ça.
“Your time is over”, leur annonce-t-on gentiment, ce à quoi ils répondent par la nonchalance, balançant le vélo vers une flaque de boue : “The future’s all yours, you lousy bicycle”
[Spoils]
Tant que les compères décident de la trajectoire, l’espace et le monde leur appartient. La très belle idée de la traque qui se met en place redistribue les cartes. Ici, point d’antagoniste identifié : un canotier blanc, une colonne de poussière, le galop sourd d’une horde sans rage. Cette lutte silencieuse dont l’unique arme est la distance pour l’un, le pisteur pour l’autre vient plomber avec maestria la légèreté qui s’imposait jusqu’alors. On a beau s’extasier devant le panorama naturel infini, s’enthousiasmer de quitter le continent pour un eldorado low cost, remettre sur les rails la joute avec les banques, le grain de sable a grippé la mécanique.
Sans se départir de leur flegme, les beaux gosses s’engluent dans une délicate mélancolie : et tentent de conjurer le sort par le réconfort de l’amour ou en échangeant les rôles pour passer du côté de la loi. Mais rien n’y fait. Etta respecte son engagement à refuser de les voir mourir en les quittant, tandis que leur expérience professionnelle se solde par un massacre qui annonce de près le leur.
Jusqu’au bout, les complices se seront comportés comme des héros : planifier l’Australie comme prochaine destination lorsqu’on est encerclés par l’armée bolivienne, s’envoyer les réparties habituelles et sortir sous une pluie de plomb l’arme au poing, voilà le sublime. Magnifier le requiem en lui offrant un lumineux contrepoint mélodique, voilà le panache.

Dans ce temps suspendu du retour à l’image sépia, dans cette fixité de légende meurt pour l’éternité un mythe duquel va sourdre, intarissable, la superbe geste des perdants magnifiques.

(8,5/10)
Sergent_Pepper
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le 4 janv. 2015

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Sergent_Pepper

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